Les résultats sont tombés. Immobile, fatigué, abattu mais debout, le regard tourné vers les toits de la capitale, à quoi pense-t-il ? S'il fallait résumer L'Insoumis en une question, ce serait celle-là. Car le film n'est pas un documentaire de campagne. L'équipe du candidat n'y joue qu'un rôle très secondaire, tout comme les débats et les aléas de cette course à la présidence. Gilles Perret se concentre uniquement sur l'homme Jean-Luc Mélenchon, ne vivant que par et pour un combat politique.
Le portrait dressé est volontairement flatteur. Il rebutera les plus fervents détracteurs du tribun. Les autres seront tour à tour charmés par ses traits d'humour et son humanité, conquis par sa culture et ses métaphores, admiratif de son abnégation. Le montage met également en exergue la justesse de ses analyses. En vieux briscard de la politique qu'il est, Jean-Luc Mélenchon semble entrevoir quelques fragments du futur. Il sait quand il sera attaqué, par qui et comment. Ainsi, L'Insoumis met plus que jamais en lumière le traitement qui lui a été réservé par les médias en fin de campagne, justifiant à lui seul ses récentes sorties contre le "parti médiatique". Et par ce biais, le film interroge sa propre subjectivité : n'est-elle pas nécessaire dans une arène politico-médiatique aussi réfractaire aux idées révolutionnaires ?
D'un point de vue artistique, Gilles Perret se contente du strict minimum. Pas besoin de voix off, de cadres esthétisés ou de musiques ronflantes : le personnage est déjà assez haut en couleurs. Cela fait du film un hommage simple et sincère, une virée intimiste dans la vie d'un homme qui a effleuré son rêve.
La dernière partie du film est cruelle pour quiconque partageait le même rêve. L'euphorie de la montée dans les sondages et la certitude martelée que cette fois-ci était la bonne ont une saveur amère lorsque l'on connaît l'issue de cette élection. Certains ont alors reproché au film d'avoir passé sous silence le discours controversé du candidat ce soir là. Ils font erreur. Tout le monde le connait. Et personne n'est dupe des failles et des âpretés du tribun. C'est en choisissant une toute autre fin que Gilles Perret révèle la véritable portée politique de son film. "Ce sont vos beaux sourires, vos yeux qui brillent, vos chansons, votre amour pour demain, le voilà le matin neuf qui se lève.", lance-t-il à la foule qui le remercie. Au fond, il le sait. Tant qu'il y a des gens qui y croient, son combat n'est pas perdu. Et beaucoup se sont mis à y croire. Alors, dans l'espoir de lendemains meilleurs, tous se quittent sur une promesse : "Nous sommes la France Insoumise, maintenant et pour toujours."