Je préfère prévenir, je surnote le film. J'ai longtemps hésité entre 6 et 7, et si j'ai finalement choisi la note la plus élevée, c'est par militantisme, pour défendre ce cinéaste méconnu qu'est Martin Ritt. (Et finalement, après le temps de la réflexion, je lui retire ce point discutable et discuté (dans ma caboche))
Car on est loin de ses chefs d'oeuvre, le sec et dépouillé western Hombre avec Paul Newman ou mieux encore l'épatant Traître sur Commande avec Sean Connery et Richard Harris.
Là on est encore dans le film militant, Ritt ayant toujours défendu les valeurs de gauche américaines. Sous couvert d'un film de boxe relatant la carrière du premier champion du monde black Jack Johnson, il s'attaque au racisme dont était victime les noirs aux Etats Unis au début du 20ème siècle. Jack Johnson dut s'enfuir en Europe, alors qu'il détenait la ceinture de champion, car il avait enfreint le plus grand des tabous : il avait épousé une femme blanche. L'Amérique Wasp ne lui pardonna pas, et le film montre la lente descente aux enfers du champion et de son épouse, elle aussi agressée par la société pour son manquement à la bienséance raciale (la remarquable scène de son interrogatoire par un procureur qui essaie par tous les moyens, même les plus répugnants, de la piéger).
Le film souffre bien d'un certain manichéisme, mais Ritt, intelligent, tente de le combattre. Il effleure à plusieurs reprises la thématique de '' l'Oncle Tom '' : la scène de son retour triomphant à Chicago, où un ''frère noir '' met Johnson en face de ses contradictions ou bien sûr la scène du cabaret à Budapest.
Et si je suis réticent avec ce film, c'est qu'il présente d'autres défauts gênants :
le scénario tiré d'une pièce de théâtre souffre de cette influence. Même si Ritt a tenté d'aérer le film par des scènes d'extérieur ou de foule, on voit trop de scènes à la théâtralité trop évidente. Et les dites scènes de foule, moins efficaces que celles de Gentleman Jim, chef d'oeuvre du film de boxe, ne parviennent pas toujours a faire oublier ce cadre trop étriqué.
Et l'interprétation un brin exagérée de James Earl Jones, (mais si vous le connaissez, c'est la voix de Dark Vador) qui reprend le rôle qu'il tenait dans la pièce, ne fait qu'accentuer ce phénomène.
Le film par ailleurs souffre comme souvent de la faible crédibilité des scènes de boxe proprement dites. Si Ritt a l'intelligence de ne pas montrer le match du championnat du monde , il ne peut éviter, pour cause de dramaturgie de montrer le dernier combat à la Havane. S'il est remarquablement filmé, on voit hélas que les protagonistes ne sont pas boxeurs, et la crédibilité du film en est entachée, surtout dans cette scéne climax du film.
Mais tout n'est pas à jeter, loin de là, dans le film : comme je l'ai dit il est moins manichéen qu'il n'y parait.
Par ailleurs, si l'interprétation de Jones est par instants discutable, sa partenaire Jane Alexander (qui interprète son épouse ) est toujours juste et sensible dans un rôle pas facile.
Mais l'attrait principal du film réside dans la très belle photographie en Panavision , encore magnifiée par les sublimes couleurs DeLuxe, du chef op' Burnett Guffey qui à travaillé avec les plus grands : Arthur Penn (Bonnie and Clyde), Robert Rossen (Ceux de Cordura ou All the King's Men), Fritz Lang (Désirs humains), Fred Zinnemann (Tant qu'il y Aura des Hommes), ou qui a assuré la photo du très beau et méconnu King Rat (Un Caïd) de Bryan Forbes.
En résumé, un sujet courageux (et pas si démodé le problème noir existe toujours aux Etats Unis, cf le mouvement '' Black lives matter'' et çà risque de ne pas s'arranger avec Trumpy), une interprétation et un traitement parfois malin mais aussi un brin théâtral, et une magnifique mise en scène et photographie.
Un 6,5 finalement arrondi à 6.
Et pour fêter çà, je me suis jeté le superbe Jack Johnson de Miles Davis dans les esgourdes, et là y a pas photo, c'est du super !!