Un Mankiewicz mineur sera toujours meilleur que beaucoup des films hollywoodiens de la même époque, même s'il en possède certains travers et qu'il emprunte certains de leurs stéréotypes.
C'est bien pour çà que House of Strangers n'est qu'un Mankiewicz mineur, pour celui qui n'a pas encore appris a dynamiter les genres de l'intérieur , comme il saura le faire a l'apogée de son immense carrière.
La mise en scène montre, par bribes, quel grand styliste deviendra l'ami Joe : déjà fluide et élégante (mais encore un peu scolaire), elle est certes le plus souvent efficace mais hélas parfois maladroite et démonstrative (le passage au flashback est bien lourd par exemple) . Plus étonnant encore, les dialogues, le point fort de Mankiewicz, sont eux aussi parfois maladroits : je pense à l'effet trop appuyé du '' dialogue de sourds '' entre Conte et Robinson dans la scène du sauna. Mankiewicz n'a pas encore trouvé la recette de l'élégance suprême qui sera sa future marque de fabrique. Peut être la faute au scénario un peu grossier et convenu de Philip Yordan : la renonciation finale de Conte à sa vengeance est bien peu crédible et bien moins fine de ce que nous livrera Mankiewicz par la suite.
L'interprétation est inégale : Richard Conte, qui n'est pas le plus grand acteur du monde, s'en tire honorablement et Edward G.Robinson est comme souvent très bon, même s'il cabotine un brin.
J'ai toujours autant de mal avec Susan Hayward que je trouve trop souvent raide et un brin compassée. Elle n'est pas à la hauteur (mais, à sa décharge son personnage non plus) des futures grandes actrices du maître : flamboyante Bette Davis dans Eve , Ava Gardner inoubliable Comtesse aux pieds nus, ou Gene Tierney vibrante Mrs Muir.
En bref on est loin des splendeurs à venir mais çà reste, grâce au talent en devenir du futur maestro, un bon film, où Mankiewicz fait encore ses gammes.
Si c'était possible je noterais ce film 6,5 plutôt que 7
P.S. : découvrir ce film m'a donné envie de revoir son remake westernien (La Lance Brisée d' Edward Dmytryk) avec Spencer Tracy dont je ne garde quasiment aucun souvenir, ce qui reconnaissons le, n'est pas bon signe.