Le récit imaginé par Jack Finney (bien que déjà pas mal influencé par The Puppet Masters de Robert Heinlein et The Day of the Triffids de John Wyndham) a ceci d'intéressant qu'il se prête facilement à diverses relectures, pouvant notamment s'ancrer dans différentes périodes et contextes. Ainsi, après l'anti-communisme et le maccarthisme des années 50, c'est au tour des 70's et de leur perte des idéaux de servir de toile de fond à une nouvelle adaptation de Body Snatchers.
Sûrement encouragé par le retour en grâce de la science-fiction, le cinéaste Phillip Kaufman signe là une des meilleures transpositions du roman de Jack Finney (si ce n'est LA meilleure), imprégnant avec force et talent son histoire d'une paranoïa étouffante, typique d'une décennie atteinte d'une sévère gueule de bois et ne croyant plus une seconde en un gouvernement corrompue.
Il émane ainsi de cette adaptation une urgence, un cadre réaliste et rude qui colle à la peau, instaurant immédiatement un suspense à couper le souffle, le tout renforcé par la mise en scène alerte de Philip Kaufman. Secondé par un casting parfait dont on retiendra surtout Donald Sutherland, Brooke Adams, un tout jeune Jeff Goldblum et un Léonard Nimoy subtilement exploité, et par un travail sur le son entretenant à merveille le stress, le futur réalisateur de The Right Stuff nous met constamment mal à l'aise, notamment grâce à une poignée de séquences franchement marquantes et à un environnement effroyablement familier.
Paranoïaque et d'un désespoir à vous refiler des cauchemars pour la semaine, The Body Snatchers version Kaufman est un modèle de science-fiction intelligente et pertinente, illustrant à la perfection les maux de son époque par le biais d'un point de départ farfelu mais qui n'a jamais autant semblé plausible.