L’électricien embourbe sa voiture dans le fleuve. Le paysan aide l’électricien à sortir sa voiture du fleuve avec son tracteur. L’électricien aide le père handicapé en rétablissant le courant chez lui. Le père handicapé aide le vieil homme à mettre le fil dans le chas de l’aiguille. Grâce au fil et à l’aiguille, le vieil homme recoud la chaussette de sa femme puis l’aide à l’enfiler. Un être humain qui aide un être humain qui aide un être humain qui aide un être humain. Le courant entre les hommes est rétabli.
Belle systématicité d’un film construit autour d’une structure d’entraide. Économie de moyens, de gestes, de paroles. Film taiseux, sans pathos. « Bonjour ». « Merci ». « Salaam ». « Mamnoun ». D’une extrême sobriété, d’une décence commune permanente. Dans les paysages somptueux de l’Iran rural, entre les nuances de vert et les nuances de gris, entre le végétal et le minéral, un petit récit avance doucement mais sûrement, au même rythme difficile et régulier que le père lorsqu’il doit poser le plateau de thé pour pouvoir l’apporter à son hôte. Mouvement, arrêt. Mouvement, arrêt. Clopin-clopant. Contemplatif et lent. Une heure et trente minutes, format convenant . Entre le cinéma et le spectateur est rétabli le courant.
Ressenti des vibrations du Retour des hirondelles, de Li Ruijun, vu il y a quelques mois et que je n’ai toujours pas chroniqué. Pour la ruralité, la décence, la difficulté, la maladie, la beauté des paysages. Des vibrations de Pierre de patience, d’Atiq Rahimi et Jean-Claude Carrière, pour l’Orient, les couleurs, le sable, la minéralité, les tapis, les poules et les chèvres qui traversent le décor, le courage du père qui s’occupe de son fils comme la jeune femme s’occupe de son mari dans le coma. Enfin j’ai pensé aussi, quoique subrepticement, par légers frôlements de l’âme, à Shimizu. Est-ce que ce réalisateur, Hadi Mohagheg, a vu les films de Shimizu ? On dirait du Shimizu qui n’aurait pas la tentation de l’émotion facile comme on le voit par exemple dans l’excellent et pathétique Shiinomi School (l’Ecole des Noisetiers) qui traite du handicap. La scène où l’électricien aide l’aveugle à traverser la rivière m’a fait furieusement penser à Pour une épingle à cheveux ainsi qu’à Une femme et ses masseurs. Il y a eu une sorte de mélange, de télescopage dans mon crâne. Le courant entre L’Iran et le Japon est établi.