L'Odyssée par pierrick_D_

En ces temps de crise d'inspiration d'un cinéma contemporain nous gavant de biopics,celui de Jacques-Yves Cousteau,une des icônes du 20e Siècle,nous pendait au nez.On peut même se demander pourquoi il n'a pas été fait plus tôt,la raison en étant sans doute financière.En effet le gus au bonnet rouge a traîné sa carcasse aux quatre coins de la planète,et principalement sous l'eau,toutes choses qui coûtent cher à filmer.C'est Jérôme Salle,un des rares réalisateurs français supposés compétents en matière de grand spectacle,qui s'y colle après avoir fait ses preuves avec "Anthony Zimmer" ou les deux "Largo Winch".Il cosigne le scénario avec Laurent Turner tandis qu'Alexandre Desplat nous baille une musique assez consternante.Bon ,Cousteau,tout le monde connait plus ou moins.Explorateur océanographique obsessionnel,inventeur éclairé de matériel sous-marin,écolo de choc,il a acquis une réputation mondiale essentiellement due à son art de coupler recherche scientifique et exploitation audiovisuelle.Dès ses débuts il a eu l'idée de filmer ses aventures,de se mettre en scène avec son équipe,créant lui-même sa légende."L'Odyssée" raconte ça de manière assez confuse.On ne sait pas toujours qui est qui,qui fait quoi ni pourquoi,les séquences molles s'enchaînant péniblement sans provoquer d'empathie pour les personnages.C'est narré un peu n'importe comment,on passe aléatoirement d'un endroit,d'une époque ou d'un personnage à l'autre en restant extérieur à ces évènements pas passionnants décrits de manière scolaire et prenant beaucoup de liberté avec la réalité.Par conséquent on arrive globalement à suivre mais c'est la plupart du temps modérément intéressant,voire ennuyeux parfois.Voici donc le commandant Cousteau,officier de la Marine Nationale et héros de la Deuxième Guerre Mondiale,qui à l'issue du conflit se lance dans l'exploration sous-marine et la préservation des fonds marins.L'homme apparait ici comme un excité plus doué pour la communication que pour la science,un gars qui est surtout concerné par la fabrication de films et qui laisse volontiers le boulot à son entourage,famille,amis et employés.Pendant qu'il court la planète à la recherche de financements,les autres se galèrent au milieu des océans sur la Calypso,un vieux dragueur de mines qui a été cousteaumisé,à plonger parmi les requins,se filmer en train de bouffer,fumer des clopes à la chaîne,pendant qu'André Laban joue du violoncelle sur le pont,que Simone,honteusement trompée par son mari,déprime total,et que Philippe,le fils préféré de Jacques-Yves,s'engueule copieusement avec le chef plongeur Albert Falco,tout ça en attendant que le patron ramène du pognon afin de payer les salaires.Les contradictions du personnage sont lourdement soulignées,ainsi que ses manquements de gestionnaire.Il est toujours plein de projets faramineux auxquels il refuse obstinément de renoncer,quitte à trahir complètement son combat écologique.Il déclare vers la fin avoir eu constamment l'impression de courir après l'argent,et c'est ce que le spectateur se dit depuis déjà un bon moment.Du fric qu'il trouve auprès des compagnies pétrolières qui le sponsorisent pour qu'il découvre de nouvelles zones de forage en mer,des producteurs de cinéma ou de la télé américaine qui réclament du spectacle et de la dramaturgie obtenues en travestissant la réalité et en maltraitant des animaux.Mais business is business et tout le monde se fout au final de sauver la Nature,on privilégie le pain et les jeux.Le film se concentre en outre sur la relation à la fois fusionnelle et conflictuelle entre Cousteau et Philippe,le fils préféré mais contestataire qui ramènera son père à la conscience écolo,théorie douteuse tout comme l'est la description de l'accident d'avion ayant coûté la vie à Fifi en 79.Le talent d'inventeur du commandant est aussi relativisé,ses innovations semblant n'être généralement que des améliorations,qu'il n'a d'ailleurs pas effectuées seul,de matériels déjà existants.Pour finir il passe également pour un allumé de première prétendant que l'avenir de l'Homme se situerait au fond des océans,ce milieu originel vers lequel nous serions censés revenir quand des branchies et des écailles nous auront poussé.Angle mort notable,l'absence totale de Pierre-Antoine,frère aîné de JYC,journaliste et écrivain figure de la Collaboration durant la guerre,auquel il n'est jamais fait allusion.Il y a évidemment là-dedans de superbes prises de vues,sous-marines notamment mais pour ça on peut aussi bien voir des documentaires sur le sujet ou carrément....les films de Cousteau,voire des Besson comme "Le grand bleu" ou "Atlantis".Lambert Wilson incarne avec autorité ce type contradictoire et charismatique,et Pierre Niney est très bon en fils à la fois fasciné et en révolte face à ce père dévorant.Benjamin Lavernhe est en retrait dans la peau de Jean-Michel,le fils aîné négligé et mal-aimé,un rôle pas à sa mesure.Quand à Audrey Tautou qui joue Simone,elle étale comme trop souvent son insignifiance et sa vulgarité.Critique et note de film de Jérôme Salle publiée précédemment:"Zulu"-6.Moyenne:5.