ATTENTION CRITIQUE SPOILER
Après avoir subi une bande-annonce crétine, annonçant the Life of Pi comme une sorte de récit initiatique mièvre d’un jeune homme seul sur une barque sur fond de Coldplay, il était clair que j’allais éviter d’entrer dans une salle obscure pour ça.
Plus tard, une première note positive d’un éclaireur, puis l’avis d’un second, là encore élogieux, ont eu raison de ma curiosité. Et c’est une séance improvisée que me proposa l’illustre pandAo hier soir après le taff. Bon, avec mes billets à 3.50€, au pire j’aurais perdu du temps mais la catastrophe ne serait pas totale.
Le film démarre plutôt bien, avec une jolie 3D sur des animaux exotiques. L’histoire de Piscine Molitor, di Pi, est plutôt rigolote au début, racontée par flash-back par l’intéressé devenu adulte et visiblement fort sage. On suit le petit Indien, puis adolescent à travers sa vie religieuse multiple, narrée non sans ironie. Il sera donc question de Dieu sous toutes ses formes, de croyance, voire de foi. Après tout pourquoi pas.
Visuellement, jusque là, Lee fait un sans faute. La lumière est superbe, les plans soignés, la musique discrète mais aux accents indiens mélodieux.
Et puis, la petite famille embarque sur le cargo japonais avec tout son zoo, afin de rejoindre le Canada pour s’y installer. Brève scène laissant découvrir quelques membres d’équipages, dont l’imbuvable Depardieu, dans un rôle ignoble.
Et paf c’est la tempête.
A partir de ce moment du film, s’il y avait des mouches qui voletaient dans la salle, je pense que je les ai toutes gobées. La scène de la tempête est une des plus saisissantes que j’ai vues, et surtout ressenties, au cinéma. La 3D aidant à n’en pas douter. Et même si cette mer démontée n’est pas toujours des plus réalistes, on s’en fiche car à partir de là, c’est l’Odissée de Pi, son aventure délirante, son épopée tragique, douloureuse, terrifiante, intense. S’il ne reste à Pi que les mots auxquels se raccrocher, je trouve pour ma part qu’ils sont bien maigres pour habiller un tel moment de cinéma.
Les plans de Lee sont renversants de beauté et de poésie. Le récit de son périple, tentant d’abord de garder un cap réaliste, s’égare doucement, au gré de la narration du héros devenu adulte, de son imagination sans borne tricotant magnifiquement le véritable récit de son expérience qui fut somme toute particulièrement horrible. Et c’est là où l’histoire de Pi est brillante, et rehaussée par la réalisation de Lee, car elle séduit le spectateur, l’émeut, le trouble, puis le perd et le surprend totalement au final. N’est-ce pas là le plus beau twist jamais réalisé ? Parvenant à blouser notre propre capacité à croire, à espérer.
Il évoque aussi la capacité de résilience, de trouver en soi toujours la force d’imaginer le meilleur. Life of Pi est un film extrêmement simple, évoquant le caractère fragile de la vie et l’importance de témoigner notre amour aux gens qui nous entourent, mais traduit d’une façon tellement éblouissante qu’il remue profondément.
Parfait d’un bout à l’autre, sans pathos ni mièvrerie, il délivre un message universel et humaniste par le biais d’images à couper le souffle. Il transporte mais en même temps interroge et parvient en une phrase à souligner l’incroyable capacité de l’être humain à s’inventer des histoires et y croire au plus profond de ses tripes : « Bananas don’t float. »