Méga-spoils tout du long. Vous êtes prévenus!
Ceux qui me connaissent un peu ne seront pas vraiment surpris, et le savent probablement déjà, je suis pas très fan des bondieuseries. La sainte bible elle même, en dehors de quelques passages d'une grande beauté, fait partie de ces lectures où j'ai du réprimer bien souvent l'hilarité permanente que ce fatras de contes de fées improbables se prenant au sérieux suscitait en moi.
Donc autant vous dire que la Foi, et ce genre de truc, je laisse ça au père, au fils, et aux simples d'esprit.
Par contre, il y a quelque chose en laquelle je crois très fort: l'universalité des histoires et de contes. Le fait que peu importe de quelle culture vous veniez, vous trouverez des éléments communs à toute les civilisations dans leurs histoires, leurs mythologies, et bien sur leurs Dieux. Plus que les Dieux des panthéons polythéistes, ou la multitude de Dieux uniques (au point qu'on ne sait plus où les foutre, ça valait vraiment la peine d'abandonner le polythéisme tiens!) et leurs lois qui changent selon l'origine géographique, la culture, et l'époque de ceux à qui ils s'adressent, je crois que les histoires forment le socle commun de notre humanité. J'aime à penser aussi que la fiction est souvent plus porteuse de sens, et plus à même de permettre aux idées nouvelles de se frayer un chemin à l'intérieur de nos têtes. Peut-être parce qu'elle prend du recul sur la réalité perçue dans l'immédiat. Peut-être parce qu'elle ne se veut pas véridique, mais porteuse de vérité et d'universalité.
J'ai beaucoup aimé Life of Pi, et pourtant, il y est bien question de foi, mais peut-être pas de celle que l'on croit. Le fait que Piscine Molitor Patel dit Pi se cherche autant au début du film en faisant un espèce de syncrétisme entre Hindouisme, Christianisme et religion Coranique me donne plus l'impression d'illustrer précisément cette universalité des histoires et des mythes dans lesquels chacun peut puiser quelque chose, que de relever du mysticisme. Ce n'est pas dans une religion plus que dans une autre que Dieu se révèle. Alors, dans quoi?
C'est là qu’interviennent les deux histoires. La première, est celle que nous suivrons tout au long du film.Celle que Pi raconte à l'écrivain en premier. Son odyssée en plein océan accompagné d'un tigre du bengale.
La seconde, est celle qu'il raconte aux agents de l'assurance qui veulent savoir comment le bateau à coulé. Cette histoire est plus noire, plus sombre, glaçante. Au final, tout revient à une simple question. Quelle histoire préférez vous croire sachant que vous n'avez aucun moyen de connaitre la vérité. Les agents en assurances préfèrent la version avec le tigre, et Pi de conclure: ainsi en va-t-il de même pour Dieu.
Donc évidemment, c'est une histoire de foi. On choisi un monde avec Dieu ou un tigre plutôt que sans, même lorsqu'on sait parfaitement que l'histoire du tigre est moins vraisemblable. C'est d'ailleurs intéressant que le film joue sur le vraisemblable cher à la poétique d'Aristote et le détourne d'une certaine manière. On ne choisi pas de croire en l'histoire la plus vraisemblable dans Life of Pi, on préfère le merveilleux d'un monde avec un tigre, et surtout sans cuisinier.
Si vous voulez mon avis, c'est la seconde histoire qui s'avère être vraie, et l'histoire du tigre est une baliverne. Mais c'est justement là que c'est intéressant. Cette baliverne à sauvé Pi d'une certaine manière. Ce conte fabriqué de toute pièce par lui même, et dont il n'est pas dupe, lui a permis de se sauver. Est-ce Dieu qui a apaisé son âme? Non, c'est une histoire. On peut même dire que la véritable histoire de Pi est un mélange de réalité sordide et d'histoire fantastique imbriquée l'une dans l'autre, et au fond, peu dissociables.
Bien sur on peut voir cette fin comme un espèce d'argument massue pour la foi, et je suis partiellement d'accord. Ce n'est pas tant la foi en un Dieu particulier et théocrate qu'elle incite, mais en une foi non dogmatique, un principe de transcendance qu'il y a à l'intérieur de nous. Nous devons choisir de croire en certaines histoires, et même si elle sont fausses, elles peuvent nous permettre de nous élever vraiment au dessus de ce que nous sommes. Le film n'est donc pas un pensum indigeste pour l'existence de Dieu. Il est beaucoup plus subtil que ça dans sa conclusion, et peut tout aussi bien vouloir dire pour l'affreux mécréant que je suis, considérant la vision des Dieux de Lovecraft comme étant la meilleure manière d'appréhender la relation que l'homme a à l'univers, que Dieu est le mirage que les hommes se sont inventés afin de voir l'univers et de se voir eux même mieux qu'ils ne sont en réalité. Le mensonge qu'ils ont décidé de croire. Notre histoire de tigre à nous. Et le paradoxe, c'est que ces mensonges peuvent vraiment nous permettre de nous transcender. Tant que ça peut aider quelqu'un, je n'ai rien contre la foi,du moins, si comme Pi, vous n'êtes pas dupe du mensonge que vous vous racontez, et ne cherchez pas à tout crin à déposer cette foi dans les mains d'une unique figure incarnant la vérité.
Passé le chapitre du fond, passons à la forme.
En dehors de quelques effets de couleur un peu too much, Ang Lee maitrise son film, et certaines séquences sont à couper le souffle à un marathonien émérite (le naufrage, la tempête, la mer d'huile, ...). L'utilisation des effets 3D pour faire autre chose que de la grosse explosion de bourrin qui tache, mais qui essaye justement de se faire oublier (encore un fois dommage pour certaines gammes de couleurs qui forcent un peu le trait) tout en servant l'histoire change agréablement du tout venant hollywoodien. Il faut parler également de Suraj Sharma qui porte le film sur ses épaules avec un talent indéniable. Un film qui par contre à force d'essayer d'être trop poétique, trop grandiloquent dans sa mise en scène s'amenuise plus qu'il ne se renforce, et c'est peut-être pour cela que je ne peux lui délivrer le huit magique qui le ferait entrer dans mes inoubliables. Mais je regarderai ce film à nouveau, et le ferai découvrir aux personnes que je pense susceptibles d'être touchées par celui ci.
Bref, sur la forme comme sur le fond, l'odyssée de Pi est un très bon film.
ll n'est malheureusement pas sans quelques maladresses et je peux tout à fait comprendre que tous ne puissent s'y retrouver.
Ainsi en va-t-il de même pour Dieu j'imagine...