Lors de la première demi-heure du nouveau film de Paul Feig, on se demande un peu où on a bien pu atterrir. Même si le réalisateur nous a habitué à des comédies plutôt drôles et réussies avec la gente féminine en vedette, les débuts de « L’ombre d’Emily » ressemblent davantage à une version mal digérée et bas de gamme de « Desperate Housewives » mélangée à « Gossip Girl ». On a même l’impression d’avoir mal lu le résumé du film qui avait tous les atours d’un thriller glacial sur le papier. Mais il faut s’y habituer et lorsque le suspense débute, notre attention va crescendo jusqu’à la toute fin pour ne plus jamais nous lâcher. Feig semble avoir eu du mal à se départir des velléités comiques de son œuvre et avoir voulu injecter de l’humour dans son premier thriller. Ce qui n’est pas forcément une tare, comme le prouve un film dont l’ombre tutélaire plane sur celui-ci : le magistral « Gone Girl ».
Alors bien sûr « L’ombre d’Emily » ne lui arrive pas à la cheville pour une multitude de raisons, le thriller conjugal à rebondissements de David Fincher tutoyant les sommets. L’humour noir de ce dernier se mariait à merveille au versant suspense, alors qu’ici on a un peu plus de mal à rire jaune, noir ou rire tout court des facéties des personnages et des situations. Déroutant au début, on finit pourtant par se faire à l’aspect comique inattendu du film et on l’assimile petit à petit, acceptant le fait que ça lui donne peut-être aussi son charme. Si Anna Kendrick ne joue pas mal, elle en fait peut-être aussi un peu trop dans le côté godiche au début. Cela mis de côté, ainsi qu’une avalanche de retournements de situation sur la fin qui peut paraître exagérée, on passe un délicieux moment avec ce thriller à tiroirs qui met le rôle des femmes en exergue, manipulatrices, dominatrices et vénales.
La deuxième partie est un jeu de dupes assez extraordinaire où on se laisse prendre, de surprises en surprises, agrémenté du jeu vénéneux et impeccable de la surprenante Blake Lively. Une actrice sur qui on n’aurait pas misé un sou il y a dix ans et dont le jeu se révèle de plus en plus passionnant de film en film, du stressant « Instinct de survie » où elle est seule à l’écran face à un requin au très beau et nostalgique « Adaline ». Il faut donc se laisser prendre par ce jeu de massacre à rebondissements où les ficelles sont parfois épaisses mais où l’on se délecte des surprises tout comme de la mise en scène chic et en totale adéquation avec l’histoire et l’esprit du long-métrage. En somme, « L’ombre d’Emily » est une bonne surprise qui sort de l’ordinaire grâce à sa tonalité singulière (et les ruptures de ton qui vont avec). Un bonbon sucré au début qui devient de plus en plus acidulé au fil des minutes et marquer la rétine.
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