L'Ordre et la Morale par cloneweb
J'ai voulu aimer l'Ordre et la Morale.
Le film de Matthieu Kassovitz, comme beaucoup en ce moment, raconte un véritable moment de l'histoire de France récente (comme l'Assaut ou dans un registre différent Présumé Coupable), une histoire peu connue des plus jeunes et qui méritait d'être portée à l'écran.
En avril 1988, en pleine cohabitation et alors que se profile l'élection présidentielle qui verra la victoire de François Miterrand, des indépendantistes kanaks prennent 27 gendarmes en otage sur l'île d'Ouvea en Nouvelle Calédonie. 16 d'entre eux seront menés dans une grotte réputée introuvable, grotte qui finira prise d'assaut à la demande du gouvernement Chirac avec l'accord de Miterrand. Il y aura des exécutions volontaires.
Cette histoire méritait d'être racontée pour plusieurs raisons, d'abord les probables mensonges gouvernementaux qui ont conduit à l'assaut et à la mort de plusieurs Kanaks se devaient d'être rappelés. Et puis plus généralement, on ne parle pas assez des DOM TOM et de leurs envies parfois indépendantistes. La Nouvelle Calédonie est devenue colonie française en 1853 et il semble que le statut de l'île n'ait pas vraiment évolué !
L'Ordre et la Morale est raconté du point de vue d'un personnage ayant réellement existé : Philippe Legorjus (incarné par Kassovitz lui-même). Le commandant du GIGN fera tout ce qui était en son pouvoir pour négocier avec les preneurs d'otages. Le film montre clairement que toute l'énergie qu'il a dépensé aurait pu permettre d'éviter le bain de sang dans lequel se termine l'évènement.
Et Kassovitz livre un film visuellement réussi. Profitant des couleurs naturelles et des beaux paysages de la Polynésie (qui a servi de lieu de tournage), le réalisateur offre une réalisation soignée et de nombreux moyens déployés. Les hélicoptères déployés ne sont pas sans rappeler rien de moins qu'Apocalypse Now. On retiendra tout particulièrement la scène expliquant comment les Kanaks ont attaqué la gendarmerie, particulièrement bien montée.
Tout ça fait que j'aurai voulu aimer L'Ordre et la Morale. Malheureusement, tout n'est pas parfait...
Si les dialogues ne sont pas toujours bien écrits, le principal problème du film vient de ses interprètes. Sans doute trop occupé à réaliser, à devoir gérer de colossaux moyens, Matthieu Kassovitz oublie qu'il est un acteur et qu'il doit incarner un personnage. Il oublie en cours de route aussi qu'il a d'autres acteurs à diriger. A part Iabe Lapacas parfois et Jean-Philippe Puymartin (la voix de Woody, malheureusement trop rare au cinéma) absolument parfait, la plupart du casting est à la ramasse.
S'il y a bien quelque chose qui plombe un film, c'est l'interprétation. On peut se contenter d'un scénario cousu de fil blanc, d'une réalisation bancale ou d'une bande originale pénible. Mais s'il n'y a pas d'acteur pour porter le film, difficile de rentrer dedans.
La prise d'assaut de la grotte aurait dû être un grand moment d'émotion dans lequel le spectateur aurait dû être immergé. Il n'en est rien. Kassovitz, qui avait soigné jusque là sa réalisation, se permet de filmer à la caméra portée rappelant les heures d'un Michael Bay en petite forme ou d'un Chris Nolan dans Batman Begins : on ne voit strictement rien de ce qui se passe. Et là non plus, on n'arrive pas à être impliqué.
Pour ses défauts majeurs, et malgré tout l'intérêt qu'on porte à son histoire, l'Ordre et la Morale n'est malheureusement pas le film que j'aurai voulu aimer.