Première réalisation de l’acteur Laurent Lafitte, L’Origine du monde adapte au cinéma la pièce de théâtre de même nom montée au Théâtre du Rond-Point de Paris, pièce qui avait fait parler d’elle pour la crudité avec laquelle elle abordait des interdits. Le long métrage restitue l’audace avec fidélité, surprend son spectateur par des scènes tout à la fois hilarantes et révoltantes en raison de leur grossièreté voire de leur vulgarité, échoue pourtant à justifier à l’écran, par sa mise en scène et par son scénario, cette obsession du scabreux qui devient une finalité en soi et tourne vite en rond. Lafitte ne parvient pas à intégrer ses séquences dans une dynamique d’ensemble, ses sketchs s’articulent mal les uns avec les autres et se répètent ad nauseam – par exemple, la consultation chez la coach de vie holistique réitère encore et encore les interventions inopportunes de Valérie – ; pourtant, il tire de son entêtement une rugosité tonale mêlant le cocasse et l’indécent, pied-de-nez à la comédie populaire française telle qu’elle se pratique à la chaîne avec son happy end mielleux et son éloge du sens de la famille.
En lieu et place, le film compose une galerie de monstres : qu’il s’agisse du couple principal qui semble lancé dans un concours de vacheries, le meilleur ami vétérinaire qui se transforme en agresseur sexuel récidiviste ou la mère âgée de quatre-vingt-trois ans dont les révélations successives ternissent l’innocence, tous les personnages dévoilent à un moment un visage atroce, miroir dans lequel se réfléchissent l’hypocrisie et la méchanceté de l’humain. Cette redistribution généralisée de la faute érige L’Origine du monde en théâtre de la cruauté, plus proche de la pièce filmée propulsée en performance que de l’œuvre de cinéma à proprement parler – les entrées et sorties font théâtre, l’enchaînement des répliques et leur diction font théâtre, la gestuelle et la direction d’acteurs font théâtre. Les quelques partis pris esthétiques n’apportent rien, au risque même d’engluer le film dans une ambition auteuriste qui le dessert. Une curiosité à découvrir.