Entre Ocean 11 et Reservoir Dogs
Troisième réalisation de Stanley Kubrick, L'Ultime Razzia (The Killing) est un film de braquage. Johnny Clay, le personnage principal, tout juste sorti de prison, veut en effet faire un casse dans un hippodrome, profitant d'une course qui va générer un record de recettes. Le film se sépare alors en deux parties: la première concernant la mise en place du braquage, le recrutement des braqueurs et toute l'organisation, et la seconde plus rythmée, dévoilant les personnages mettant leur plan à l'oeuvre.
En parlant de rythme, il y a bel et bien un problème de ce genre dans l'Ultime Razzia. Comme pour les deux premiers films du réalisateur, Fear and Desire et Le Baiser du tueur, on se prend à regarder notre montre à à peine quarante minutes de film, et en comptant le temps qu'il reste, plutôt problématique pour des productions si courtes (moins de une heure trente pour chacun des trois films). Cependant, chose tout à fait nouvelle, l'immersion se produit dans la dernière demi-heure, alors que, comme je l'ai dit, le rythme s'accélère, les personnages passent à l'acte.
Le scénario se révèle ainsi un peu plus brillant et imprévisible que celui des deux autres films de Kubrick. La braquage ne se déroule pas entièrement comme prévu, et là où son élaboration méticuleuse faisait clairement penser à Ocean 11, son passage à l'acte et son dénouement évoque tout aussi clairement Reservoir Dogs, de Quentin Tarantino; aussi je pense que L'Ultime Razzia a dû abondamment inspirer ces deux réalisations. On retrouve notamment un twist final plus inattendu et bien amené; d'ailleurs, la tension est, dans le second acte, plutôt bien gérée (je crois que c'est la première fois que je m'accrochais autant à un Kubrick).
La réalisation est une nouvelle fois au rendez-vous. Les références que j'ai faites dans le paragraphe précédent en attesteront, Kubrick réussit à rendre son film très moderne, que ce soit dans sa manière de filmer ou dans l'allure générale de son métrage. Chaque personnage est suffisamment fouillé pour être crédible, et pour que l'on s'attache à peu près à chacun d'entre eux (autant qu'il est possible de s'attacher à un personnage en une heure trente, évidemment). Les acteurs, d'ailleurs, sont plutôt convaincants dans la globalité, même si je mettrais volontiers un petit bonus à Sterling Hayden, dans le rôle de Johnny Clay, et un malus à l'acteur de Georges (un personnage lâche, qui m'a paru assez mal joué tout au long du film) et à l'actrice de sa femme.
Le point positif général du film, c'est surtout que c'est agréable à regarder. Je n'ai pas vraiment encore eu d'occasions de regarder beaucoup de films des années 50, mais rien que par rapport à La Nuit du Chasseur, ou aux deux premiers films de Kubrick, L'Ultime Razzia m'a semblé réussi, autant dans le fond que dans la forme, et m'a paru inspiré et inspirant. On retiendra bien sûr quelques défauts, heureusement mineurs, qui ne terniront pas la bonne augure que ce film représente pour la suite de la carrière de Kubrick. A suivre.