En 1962 quand commence le film, le code Napoléon encore largement appliqué dans le code civil place la femme mariée sous la tutelle de son mari. Et quand elle a des enfants hors-mariage, elle est mise au ban de la société (les parents de Suzanne sont en froid avec leur fille et traitent leurs petits-enfants qu'ils rejettent de bâtards) Ce sont tous les combats menés par les deux femmes aussi différentes qu'unies dans leur quête d'indépendance et d'accomplissement que relate Agnès VARDA, parfois à la limite du documentaire lorsqu'elles se retrouvent au procès de Bobigny en 1972 avec l'avocate Gisèle Halimi récemment décédée.
Ponctué par des chansons peu orthodoxes aux paroles-slogans écrites par Agnès VARDA aussi drôles que percutantes: "ni cocotte, ni popote, ni falote" ou variante "ni fétiche, ni boniche, ni potiche". 40 ans avant le "Ni putes, ni soumises" de Fadela Amara, Pomme réplique à son père qui ne voit pour elle en dehors des études que le mariage ou la prostitution qu'au fond c'est la même chose.
Enfin les deux comédiennes sont épatantes : Valérie Mairesse irradie par sa verve et l’intelligence de son jeu, quand la sobriété et l’élégance de Thérèse Liotard permettent d’éviter le pathos inhérent à son personnage. Reste que le manifeste féministe exagéré d' Agnes Varda "en chanté" a été récemment réévalué en phase avec la panthéonisation de Simone Veil et les multiples affaires de harcèlement sexuel qui ont prouvé si besoin était qu'il restait du chemin à parcourir pour se défaire des multiples formes revêtues par la domination masculine.
Et pourtant, malgré ses nombreux défauts, ce film reste un récit d’amitié attachant, tout comme un document sur une période (les années 60 et 70) qui a vu des avancées sociétales majeures pour la femme. Et le regard porté par Varda sur ses deux figures féminines est imprégné d’une réelle humanité vaut malgré tout le détour.