Une nuit. Une dernière nuit parmi les vivants, une dernière nuit où les champs à perte de vue sont encore une immensité palpable. Où le monde est grand, majestueux, où les montagnes au loin restent encore à gravir. Les dernières heures, le dépôt de bilan et viennent les fastes regrets. Le crépuscule d'un monde qui va s'éteindre, le sien. Sept ans. Une petite mort. Et son futur qui défile, et son passé, surtout.
Edward Norton en trafiquant porte tout le poids de sa future condamnation sur les épaules. Un vrai caméléon cet acteur, toujours à saisir avec une précision chirurgicale les questions qui taraudent ses personnages. Un des plus grands acteurs de la planète. Philip Seymour Hoffman en prof complètement (Jean-Michel) apathique livre une prestation grandiose, c'est une habitude avec lui. Barry Pepper en jeune trader arrogant, qui gagne ses lettres de noblesse à la fin, où il laisse éclater toute l'émotion de son personnage. Il est tantôt énervant, tantôt attachant car bourré de cynisme et de tendresse envers le héros. Rosario Dawson est une bombe, Anna Paquin mon amour de toujours, ma rose éternelle, et Brian Cox mérite un pont d'or rien que pour son monologue à la toute fin, incroyable conclusion de ce film aux multiples sensibilités. Le film tient grâce aux liens de tous ces personnages entre eux, où toutes les limites de l'amitié et de l'amour sont outrepassées, comme un test final après une vie de non-dits, comme une envie de faire le point sur l'authenticité. Maintenant, la partie est terminée. La river tombe, tout le monde montre ses cartes et personne ne peut plus rien se cacher. Quand on pense n'avoir plus rien à perdre comme lui, la vérité est essentielle, la posséder un espoir, aussi faible soit-il.
Certaines scènes de dialogue me rappellent Pulp Fiction, le fait d'enfermer deux personnages dans des discussions parfois ubuesques et de confronter leurs propos jusqu'à les tourner en dérision. Il y a souvent ce sentiment d'enfermement, on sent, tour à tour, tous les personnages esseulés à un moment du film. Face à leur propre misère. La bande-son est magnifique, avec cette musique qui fout les frissons au générique du début et à la fin. Franchement, j'étais déjà conquis. Je ne connais pas du tout Spike Lee mais ça m'a donné envie d'en voir plus, de persévérer dans sa filmographie. J'adore sa façon de traiter l'image et les couleurs bleutées, notamment lors des plans sombres, et d'ajouter de l'épaisseur à ses personnages sans les caricaturer. Ce film est un grand film, ponctué de réflexions enrichissantes, de plans comme des tableaux modernes vivants, et d'une scène magistrale, celle de Edward Norton et de son fameux "j'emmerde". Ce doux bad boy au côté ténébreux, sulfureux, qui révèle tout son mépris.
En dressant la liste de tout ce qui le débecte autour de lui, il s'enterre lui-même, et il se l'avoue à la fin. En reportant toute sa colère sur les autres, il évite de se regarder en face et préfère la facilité à un travail sur lui-même, du moins pour mieux s'en séparer par la suite. Ce discours n'est pas un pamphlet, c'est sa propre caricature où il se sent pris au piège dans sa propre bêtise. Il est prisonnier de sa haine et cherche à s'en libérer. Pour s'affranchir il faut briser ses chaînes. C'est à ce moment précis qu'il s'émancipe.
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