On est à Vancouver, dans un parc où traînent quelques Amérindiens. Le documentaire est brutal, car il ne propose pas de dispositif autre que celui de la rencontre. Sepulveda passe quelques journées, quelques nuits avec eux. Rien de leur violence ou de leur déchéance ne nous est épargné, et du coup leur humour, donc leur grandeur, nous parvient sous sa forme brute.
Tant de documentaires se contentent d'un angle socio-historique ; Sepulveda n'ignore ni la misère ni le génocide à l'origine de celle-ci, mais ce qui l'intéresse, avant tout, c'est la vie, le présent. Qu'est-ce qui subsiste ? Et quelles formes prend cette subsistance ?
De ce point de vue très libre, presque anarchique, surgissent des scènes ahurissantes : insultes à n'en plus finir, caméra balancée par l'un des protagonistes, couple d'Amérindiens gays au milieu des fumeurs de crack, tentative d'enterrer dans le parc un de leurs amis qui vient de mourir (avec cette question, quand la municipalité intervient : mais au juste, à qui est la terre ?)... C'est l'un de ces rares documentaires desquels on peut dire qu'ils sont sans concession. Le rapport du cinéaste aux Amérindiens est complexe mais réel (il n'y a pas de complicité présupposée, l'approche se fait sous nos yeux, peu à peu, et elle est toujours sujette à des revirements intempestifs), jamais doucereux ; l'intérêt et la fascination dominent l'empathie. C'est un cinéma de la rencontre, où l'autre est une étrangeté à conquérir, à convaincre. Et dans le rapport qui s'esquisse entre le cinéaste et les Amérindiens, quelque chose du passé se rejoue : le film vient les coloniser, les observer comme des bêtes dangereuses, imprévisibles, inaliénables.