Que j'avais hâte d'aller me jeter sur les fauteuils du Corum de Montpellier pour découvrir grâce au Cinémed 2012 cette "Bandera" restaurée! Un film de Julien Duvivier avec Jean Gabin, à ces deux seuls noms, cela promettait monts et merveilles! J'avais vu le film quand j'estois tout petit bonhomme, si petit que je n'en ai gardé aucun souvenir précis. J'étais tout neuf, avide de voir et suis sorti plutôt frustré, déçu par l'histoire, la mise en scène et par à peu près tout du film, comme s'il m'avait posé un lapin... un fennec en l'occurrence.
Il a l'image d'un grand classique, figure en bonne place dans les ouvrages cinéphiles, une bonne presse qui me laisse perplexe parce qu'enfin... qu'apporte-t-il? Des émotions? A d'autres. Elles sont courtes.
Avant la projection, le présentateur nous a promis un film de guerre sur la recherche de l'oubli. Oui, peut-être en effet que Pierre Gilieth (Jean Gabin) est prisonnier de cette obsession, liée à une question de survie (l'homme est un criminel qui pour échapper à la police s'engage dans la Légion Étrangère), mais cette thématique est-elle suffisante pour engendrer un grand film? Pour maintenir une tension, oui, je l'admets volontiers : Fernando Lucas, le personnage incarné par Robert Le Vigan, est toujours là pour rappeler à Gilieth son passé et créer une sorte de suspense continu.
A noter encore une fois que Robert Le Vigan sur-alimente son personnage d'une folie, physiquement visible, dans son sourire démoniaque, son regard halluciné, sa voix théâtrale. Cet acteur fascine beaucoup pour sa trajectoire politique, il faudrait s'attacher plutôt à décrire son jeu et l'importance qu'il a eu dans le cinéma français de l'entre-deux-guerres. Sur le fil du rasoir, sa prestation est très souvent proche du déséquilibre, près de tomber dans le ridicule, mais pour ma part, j'apprécie sur ce film qu'il ne décroche pas complètement, mais je comprendrais que d'autres le trouvent à la limite du supportable.
Je ne sais pas si nous devons la présence d'Aischa la Slaoui (Annabella) au roman d'origine de Pierre Dumarchais alias "Pierre MacOrlan" ou bien à ces adaptateurs Julien Duvivier et Charles Spaak. Une chose est sûre, elle apporte une touche féminine et romantique censée contre-balancer le rapport de force entre Gilieth et Lucas. Néanmoins, cette histoire d'amour a quelque chose d'artificiel. On pense aux contemporains Josef von Sternberg et Marlène Dietrich. Annabella a du mal à rendre crédible cette fille. La copie n'est pas des plus étincelantes. D'autre part, la relation avec Gilieth n'est pas vraiment émouvante. En tout cas, elle ne m'a pas touché.
Peut-être sent-on beaucoup trop facilement le destin funeste de ce couple dès le départ? D'ailleurs, à ce titre il faut d'évidence placer ce film dans la catégorie "film noir". Le prologue urbain et nocturne, les éclairages de Jules Kruger, les décors de Jacques Krauss ainsi que les cadrages de Julien Duvivier placent d'entrée de jeu le personnage de Gilieth (et donc tout le film) dans une trajectoire déclinante, très "noir". Pas de doute là dessus. Sans doute le passage du film que j'ai le plus apprécié.
De plus, la sincérité de Gilieth à l'égard d'Aischa apparait sensiblement bancale, le personnage devient trouble et l'on est moins attaché à son devenir.
Le final me pose problème également, j'estime qu'il n'apporte pas grand chose, disons qu'il dessine une trajectoire convenue et surtout que la réalisation de Julien Duvivier montre des signes de faiblesse, une théâtralité ennuyeuse qui a pu à l'époque porter une certaine émotion mais qui de nos jours semble chargée d'une outrance grassouillette, fanée, dans le péremptoire plus que dans la conviction. C'est dommage. Je suis même un peu triste, car je me faisais une vraie et belle joie, j'aime tellement Duvivier que j'étais persuadé de kiffer grave ma race. Et je me retrouve le bec dans l'eau. Fait chier...