Le film de Julien Duvivier "la Bandera" s'inspire assez fidèlement du superbe et fascinant roman de MacOrlan sorti dans les années 1930.
L'histoire transcrite par Charles Spaak raconte la fuite d'un homme poursuivi par la police ayant commis un crime à Paris. Sa fuite le conduit à Barcelone mais, l'étau se resserrant autour de lui, il s'engage dans la Légion espagnole, peu regardante sur le pedigree des soldats qu'elle incorpore. Cela le conduit aux confins du Maroc Espagnol pour y mater une rébellion.
Les aventures exotiques ont toujours été la mode au cinéma qui exalte la découverte de l'inconnu, des aventures flamboyantes et le courage des héros. Mais dans ce film, on comprend très vite que Pierre Gilieth fuit la police, c'est certain, mais aussi lui-même. Duvivier ne nous mène pas du tout dans la direction d'un film d'aventures coloniales.
D'ailleurs, on ne saura rien des causes de la fuite de Pierre Gilieth sinon qu'il s'agit d'un crime commis pour de bonnes ou mauvaises raisons. Le film agira comme un chemin rédempteur du héros qui trouve dans la légion d'abord un refuge mais surtout une seconde vie et une seconde chance.
C'est Jean Gabin qui joue le rôle de Pierre Gilieth et il est parfait dans ce rôle d'homme à la fois fort et fragile. Ce n'est pas du tout le Gabin d'après-guerre, mature et puissant. Ce n'est plus le Gabin, jeune premier bien qu'il lui reste encore de ce pouvoir de séduction qui constitue ici sa faiblesse. Ce film dévoile à travers son personnage la force de caractère et une volonté qu'il ne cessera par la suite de développer. La caméra de Duvivier ira traquer et opposer ces deux facettes du caractère de Gabin à travers le personnage de Gilieth. On le verra tour à tour affable, confiant, méfiant, violent, amoureux ou volontaire.
Le film est servi par d'excellents seconds rôles.
D'abord, le trouble Robert Le Vigan dont le personnage Lucas est incorporé en même temps et a un comportement étrange vis-à-vis de Pierre Gilieth.
Puis un extraordinaire et paternel Capitaine Weller, commandant le détachement. Le personnage a une prothèse en guise de bras droit et est borgne. C'est Pierre Renoir qui joue un rôle protecteur complètement persuadé que tout homme doit avoir sa deuxième chance quoiqu'il ait fait.
Et je termine par le personnage d'Aischa la Slaoui, une jeune prostituée berbère d'un bordel du bled où la légion stationne et qui va tomber amoureuse du Gabin dont elle reconnait la force. Dans le roman, c'est un personnage d'une grande force morale et dont le nom est à lui tout seul tout une une féerie où l'imagination (la mienne !) va bon train.
J'avais d'ailleurs été très déçu de découvrir que "slaoui" signifiait juste "habitant de Salé", ville du Maroc... Dans le film, la mise en scène d'Aischa est très belle et très réussie. La scène du mariage au bordel qui se conclut par l'échange des sangs entre le personnage joué par Gabin et Aischa est d'une très grande intensité.
C'est Annabella qui joue le rôle et je dois dire là encore que la caméra de Duvivier en fait un splendide portrait.
Parmi les autres acteurs connus, il y a Raymond Aimos qui joue le rôle d'un légionnaire sympa ou Noel Roquevert qui joue un petit rôle d'un sous-off ou encore Viviane Romance dans un tout petit rôle à Barcelone.
Bien que remastérisé, le DVD a une bande son parfois un peu faiblarde. Ça ne fait rien, le film reste une belle interprétation du roman.