Avec la Bataille d'Alger, Gillo Pontecorvo réussissait l'impossible. Livrer un compte-rendu d'une objectivité rare sur des faits réels encore sujets à controverse et problématiques pour de nombreux dirigeants français. Car tout le génie du réalisateur est d'avoir opté pour une approche quasi-documentaire (je dis bien quasi car il y a tout de même un travail cinématographique non négligeable, jusque dans la musique qui accompagne et souligne certaines séquences) et en traitant chaque partie sans émettre de jugement.

Car Pontecorvo a compris que les terroristes des uns sont les résistants des autres et que chaque camp mérite une représentation morale similaire. Il n'y a ici ni héros, ni monstre. Mais des hommes qui s'acquittent de tâches, parfois nobles, mais bien souvent monstrueuses. Des attentats dans des lieux paisibles, des mises à morts préférées à la honte de l'arrestation, des attaques lâches ou dans des rapports de force inégaux. La succession d'événements dramatiques est, sur la durée, terrifiante, nauséeuse.

Mais Pontecorvo maintient le cap et ne tombe jamais dans le piège du manichéisme ou de la victimisation facile. Il fait appelle à toute l'intelligence du spectateur pour que ce dernier se pose lui-même en juge moral d'une histoire dont les cicatrices ne sont toujours pas toutes refermées. On en vient alors à se poser la question de l'utilité de ces différents actes (terroristes, de torture et autres) qui ont finalement menés à ce point d'orgue que fût l'indépendance de l'Algérie en 1962. Un questionnement qui reste d'actualité, puisque, sur un sujet différent, le Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow se pose des interrogations plus ou moins similaires.

La Bataille d'Alger, s'il est déjà un grand film sur le seul plan cinématographique, de par sa réalisation exemplaire, son montage et son travail de reconstitution, est aussi un film nécessaire, pour les questions toujours actuelles et problématiques qu'il pose. On peut donc décemment parler de film indispensable, car dépassant le seul cadre du 7ème art.
Colqhoun
9
Écrit par

Créée

le 3 avr. 2013

Critique lue 1.1K fois

9 j'aime

1 commentaire

Colqhoun

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

9
1

D'autres avis sur La Bataille d'Alger

La Bataille d'Alger
batman1985
10

La guerre sans manichéisme

Il y a des films qui ont une sacrée histoire. Celui-ci en a une belle ou, du moins, une épatante. Censuré pendant trente ans en France, vainqueur du Lion d'or à Venise, tourné avec des acteurs...

le 7 mai 2011

33 j'aime

8

La Bataille d'Alger
Ninesisters
9

Critique de La Bataille d'Alger par Ninesisters

J'ai découvert ce film par le plus pur des hasards. Alors que je regardais L'Avocat de la Terreur, un documentaire sur maître Vergès, j'ai aperçu des images de ce film intercalées en tant que...

le 4 mars 2012

25 j'aime

La Bataille d'Alger
Voracinéphile
8

Troupe d'élite, mode vintage

Incroyable. Tout simplement incroyable. La dernière fois que le cinéma pré-années 70 m'avait autant emballé, c'était pour le Scarface de Hawks, qui se révélait d'un rythme tout à fait apte à...

le 6 sept. 2018

16 j'aime

6

Du même critique

Breakfast Club
Colqhoun
3

Critique de Breakfast Club par Colqhoun

Déception. J'aurais peut-être dû le découvrir dans les 80's. Là, je suis partagé. L'idée, l'unité de lieu et de temps, j'aime beaucoup. La distinction des personnages aussi. Pourtant, tous ces...

le 6 août 2010

19 j'aime

Harry Brown
Colqhoun
7

...ou l'importance du vigilante movie.

Introduction. Deux jeunes en scooter roulent à toute vitesse, tournent autour d'une femme qui promène son bébé dans un couffin, tirent dans le couffin, tirent sur la femme, repartent à toute vitesse...

le 22 déc. 2010

17 j'aime

8

Into the Wild
Colqhoun
2

Critique de Into the Wild par Colqhoun

Alex en a marre du monde, de la société, de ses parents, de sa vie. Il détruit ses papiers, liquide ses économies en faisant un don et s'enfuit avec sa vieille voiture dans le désert. Puis il se met...

le 6 août 2010

12 j'aime

1