J'avais envie de voir ce film depuis longtemps, depuis que j'avais appris son existence via divers classements des meilleurs films de tous les temps. Un film sur la guerre d'Algérie, une production italo-algérienne avec des acteurs français et algériens, une censure en France pendant longtemps… ça fait envie! J'avais quand même peur que l'angle soit trop manichéen, que la lecture soit trop simpliste. Peur finalement infondée.
Et c'est bien là la force du film : il n'épargne personne. Ni les Français, pour la plupart dépeints en colonisateurs racistes, avec des forces militaires n'hésitant pas à torturer des prisonniers. Ni les Algériens, dont la lutte prend souvent des allures de boucherie, allant du tir au lapin contre n'importe quel policier à l'attentat à la bombe aussi aveugle que sanguinaire. Et même au sein de ces deux forces, rien n'est homogène. Le commandant français est certes sanguinaire, mais jamais hors de lui ni irrationnel, contrairement à d'autres, racistes jusqu'aux orteils à la violence gratuite, sans oublier les journalistes qui cherchent eux à dénoncer les crimes de ces forces armées. Et au sein de la lutte pour l'indépendance algérienne, différents courants se juxtaposent au gré des personnalités et de l'histoire des combattants, jusqu'à l'horreur d'un sacrifice tragique à l'avant-dernière scène. Le cercle vicieux de la violence est parfaitement dépeint, pour une plongée en chute libre au fin fond de la barbarie humaine, encore malheureusement une fidèle représentation de nombreux conflits armés à travers le monde. Le film puise enfin son énergie dans son style, sorte de documentaire fiction qui nous met face à une réalité crue, et parfois améliorée par une intrigue et un fil narratif propre à rendre ce reportage encore plus prenant. Jusqu'à la dernière scène, infime note d'espoir populaire, démocratique et pour ainsi dire humaine, qui n'évite pas les soubresauts d'une violence aveugle et gratuite.
On regrettera seulement l'intrigue un peu hachée du film, avec des ellipses parfois difficiles à comprendre, mais comment aurait-il pu en être autrement avec un film de 2 heures racontant presque l'entièreté de la guerre d'Algérie ?