C'est l'histoire d'un général nazi qui veut reprendre l'offensive après le désastre russe. Il est un peu naïf, le général, au point qu'il va faire confiance à un bulletin météo, qui lui dit qu'il va y avoir du brouillard, et que l'aviation ennemie sera clouée au sol. Brouillard dans les Ardennes, me direz-vous, le bulletin météo ne prend pas trop de risques, sauf que le film, lui, il ne se passe manifestement pas dans les Ardennes, alors de brouillard, point. Ce qui est logique d'ailleurs, puisque chacun sait que les chars, dans les Ardennes, ben ça ne passe pas.
Heureusement pour notre général, en face ils ont reçu le même bulletin météo, et donc, défiant les magnifiques ciels bleus du film, ils décident en toute logique de n'envoyer aucun avion. Le postulat étant posé, le film peut démarrer.
Le général nazi fait venir un cador du front de l'est, un mec qui a la guerre dans le sang, qui n'aspire qu'à l'apothéose du guerrier et au nirvana, un spécialiste des tanks enfin, bref, l'homme de la situation, à n'en pas douter, affublé en contrepoint d'une ordonnance vieillissante et fatiguée de la guerre, qui en a marre de tout ça, on a bien rigolé, mais maintenant faudrait songer à retrouver notre petite famille, et mener une vie pépère.
Sous les ordres du cador, de très jeunes hommes, puisque les cadavres des vétérans sont tous en train de geler en Russie. Bien sûr, il doute de leur efficacité, ils sont à peine sortis du berceau, comprenez, mais finalement un numéro de music-hall le convainc, c'est qu'il ne dédaigne pas de pousser la chansonnette, le bougre. Pas sûr qu'ils sachent conduire un tank, mais ça promet des veillées animées, devant les saucisses au feu de bois. Ou alors il a lu le script, et il sait que de toute façon, ils ne vont servir à rien, alors eux ou d'autres, ça revient au même, finalement.
Bref, s'ensuivent divers amusements d'auto-tamponneuses, et voilà les chars qui déboulent un peu partout pendant que des espions allemands à l'arrière des lignes jouent de bons tours, par exemple en intervertissant les panneaux, et comme les américains sont très disciplinés, ils ont beau savoir, certainement, où se trouve leur état-major, ils suivent les flèches, même si parfois ils ont quand même un doute, parce que faut bien entretenir le suspense.
S'ensuit un siège dramatique, avec un général américain chevronné qui refuse de reculer, attendez les gars, moi je vous dis, on nous envoie de gros canons par le train, des joujoux que même les tanks plus gros et plus blindés des allemands, ils feront pas les fiers. Malheureusement, un des tanks allemands ne savait pas lire une carte et s'est retrouvé loin derrière les lignes ennemis, où il s'est dit que, quand on est perdu, il vaut mieux suivre les rails, on sait qu'ils mènent quelque part. Bref, les canons n'arriveront pas, sonnez la retraite!
Arrive un moment où Robert Ryan, qui jouait jusqu'ici le général, sort de son rôle, excédé : il a relu le script et il se rappelle soudain qu'il devait y avoir du brouillard, alors il demande aux techniciens où il est, ce foutu brouillard. Et comme ceux-ci, qui faisaient leur belotte tranquillou, ne se risqueraient pas à vexer une star, exercice particulièrement difficile et périlleux quand il y en a tant dans un aussi petit périmètre, ils s'attèlent à la tâche avec alacrité et, miracle de la technologie, soudain le brouillard fut!
Cela augurait d'une reprise des affaires, quand soudain se produisit un mélange dans les scripts. George Miller avait envoyé, très en avance, son scénario de Mad max à Hollywood en croisant les doigts très fort, et l'un des scénaristes ayant laissé traîner sa copie de cette première mouture, elle fut prise par un autre pour le déroulé normal du film, et voilà nos tanks en train de tourner en rond dans le désert à la recherche de pétrole. Le temps que le troisième scénariste s'aperçoive de la méprise, c'était trop tard, le film était déjà fini!