Tout simplement un chef d'œuvre. Il est impossible de mesurer la chance que Patricio Gusmàn a eue en réussissant à accumuler autant d'images sur les mouvement sociaux qui ont agité le Chili des années 70 ; tout est filmé : de la trahison du gouvernement, en passant par la grève des mines de cuivre, sans s'oublier de s'arrêter pour vomir devant la coopération active du parti démocrate chrétien avec l'armée qui, plus tard, fomentera un coup d'état contre Allende.
Ces images donnent à ce film ce quelque chose d'authentique qui nous rappelle à chaque instant qu'on ne regarde pas des acteurs et que toute la beauté qui se dégage du film n'est en rien un reflet de la réalité, mais la réalité elle même.
C'est aussi un film qui arrive à saisir toute la complexité des rapports de classe, des limites pratiques de l'élection d'un candidat de gauche radicale qui se laisse déborder par le mouvement de la base, qui ne cesse de faire pression pour débloquer la situation.
Comment ne pas être ému par ces travailleurs, pris dans les engrenages de la révolution, prêts à dépasser le système qui les exploite depuis si longtemps ? Comment ne pas admirer leur organisation en force politique populaire indépendante de l'état bourgeois ? Comment ne pas se laisser emporter par l'espoir qui se cristallise dans ces millions de gens qui pensent qu'un autre monde est possible ?
Et alors que tout semblait encore imaginable, le fascisme frappe, il pleut des bombes sur le palais présidentiel. Quatre heures plus tard, ce sera le général Pinochet qui prendra la parole pour annoncer la fin du gouvernement de l'unité populaire. Des dizaines de milliers de morts suivront.
Un film aussi émouvant qu'instructif sur les grands mouvements révolutionnaires, qui dévoile le visage d'une bourgeoisie prête à toutes les atrocités pour maintenir sa domination sur les travailleurs.