Ancienne critique :
Un film de la compagnie des Branquignols, les ancêtres du Splendid en quelque sorte, du café-théâtre et qui s'accoquinent méchamment au niveau de l'image à un dessinateur de talent, Dubout. Ya du Dubout chez cette belle américaine, avec une foisonnante vie de quartier, très populaire, on s'attendrait presque à y dénicher M. Hulot, c'est toute une histoire de la France populaire finalement.
Il est entendu que la réalisation est convenable et que l'histoire est un prétexte sous dehors de méli-mélo à faire partager la joie de cette communauté.
Les gags ne sont pas extraordinaires, loin de là, certains vieillissent bien mal même. C'est plus du côté de l'atmosphère vieille France que je peux y trouver encore quelques éléments affectueux, nostalgiques, quelque chose de bon et agréable. Comme une vieille antiquité qu'on retrouve remisée dans le grenier et qui rappelle quelques souvenirs d'enfance.


Critique fraîche:
Pendant longtemps, j'avais pour ce film un regard un peu dédaigneux, pour les films de Robert Dhéry en général. Mais celui-ci en particulier. Je le revoyais quelquefois pour Louis de Funès, même s'il a un double rôle assez bref en fin de compte. J'avais donc la galette, oubliée dans la poussière de la dvdthèque. Je souffle dessus pour le faire découvrir au petit qui veut voir tous les De Funès (je lui aurais au moins transmis ça!).


J'avoue que j'ai bien aimé le revoir malgré l'épouvantable compression du DVD et l'encore plus ignoble colorisation.


Oui, j'ai bien aimé revoir cet incroyable florilège de comédiens qui décore le film. C'est manifestement tous les copains de la bande à Dhéry qui sont venus montrer leurs trognes. La participation est massive, impressionnante. Ils sont très nombreux et clairement heureux de faire les clowns pour ce joyeux film, très léger, tellement à l'opposé de la violence de notre époque.


Le contraste est ahurissant : l'humour et la société de cette période n'ont pas grand chose de commun avec ceux de nos jours. C'est fou ce fossé en à peine quelques dizaines d'années! L'humour de Dhéry n'est pas méchant (ou très peu), presque enfantin. Les personnages sont humbles, heureux, sans grand souci. Et le film montre très bien ce que pouvait être l'univers mental d'une France populaire, de la classe laborieuse non dangereuse, innocente en somme, celle qui s'estimait heureuse de son sort, l'acceptait sans révolte et s'amusait du peu qu'elle avait.


La société de consommation n'avait pas encore aiguisé son appétit au point d'envier l'autre, de nourrir cette aigreur qui en amène certains jusqu'à des degrés de violence qu'on connaît aujourd'hui. Ici, ils sont encore émerveillés par le progrès technologique, mais sont encore imprégnés de la culture de la simplicité, de la démerde, beaucoup moins matérialiste de l'avant-guerre. Je peux comprendre que ce genre de film soit passé de mode, et même ait déjà en 1961 suscité une sorte de mépris. Plus de 15 ans sont passés depuis la guerre et ce que l'on nous montre n'est pas loin de dater déjà. Dans sept ans éclatera mai 68. Qu'on en est loin quand on regarde ce film jamais subversif, revendiquant absolument rien.


On regarde ensemble, tous hilares, Fernand Raynaud sur le poste téléviseur au café du coin. On a tous les yeux ronds devant une Cadillac dont les vitres électriques se baissent toutes seules. Oh, y a même la radio! On se fait virer, mais le monde ne s'écroule pas pour autant, parce qu'on trouvera bien un autre job. Bref, le film respire l'insouciance d'une société en pleine croissance née du fracas et des privations de la seconde guerre mondiale. Le confort se conjugue au pluriel.


L'instinct communautaire de ces gens-là est omniprésent. La voiture s'essaie à plusieurs, le plaisir et le bonheur se partagent. Tout le monde se soutient, s'entraide. L'humour y est donc bon enfant, gentillet. Il fonctionne encore un peu, justement parce qu'il paraît exotique de nos jours, comme une curiosité, pas forcément comme un monument historique qu'on visite poliment, mais bien comme quelque chose de si différent par rapport à ce que l'on fait aujourd'hui qu'il apparaît étonnant.


Oui, surprenant de fraîcheur, presque neuf. Jubilation, simplicité, solidarité. Et je me surprends moi même à aimer ce rythme délicat, ces petits gags gentils, qui font sourire encore, on ne sait trop comment. Ou alors j'étais particulièrement de bonne humeur pour ce visionnage? Non, sérieusement, je n'ai pas envie de continuer à marquer ce dédain. Le temps a passé, le film a pris des rides qui me plaisent bien, c'est tout.


http://alligatographe.blogspot.fr/2015/10/belle-americaine-dhery-funes.html

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le 19 nov. 2012

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