Entre Nicolas Bedos et moi, le courant n'est jamais réellement passé.
Si je l'avais trouvé pas mal dans des films comme Populaire ou Amour et Turbulences, où il ne faisait que l'acteur, sans s'être autrement plus investi dans le projet, son rôle de pseudo sniper, ses chroniques un rien poseuses ou encore l'expression de la prétention étalée, à mes yeux, durant chaque seconde de Monsieur et Madame Adelman, avaient achevé de m'éloigner du bonhomme, que je n'aimais déjà pas trop à la base.
La grandiloquence du dernier cité m'est subitement revenue en mémoire à l'occasion de la découverte de la bande annonce de La Belle Epoque, qui m'avait intriguée. Mais la découverte du nom du réalisateur m'avait bien refroidi, craignant le même nombrilisme, la même incompréhension de ce qui s'annonçait encore comme un nouveau succès décrété.
La maman du masqué, elle, avait été très attirée par la reconstitution des années soixante dix et la présence de Daniel Auteuil qu'elle avait trouvé parfait. Et à la sortie de la séance, s'en est trouvée toute enchantée, avec des milliers de papillons dans les yeux tellement c'était bien. Et le masqué étant d'un naturel curieux, il avait finalement envie de découvrir l'objet des pour le moins inattendus émois maternels.
... Et j'en suis ressorti tout aussi séduit. A ma grande surprise.
Le propos est pourtant, encore une fois, l'expression de l'égocentrisme Bedos, à l'évidence. Sauf que le fait qu'il ne joue pas dans un projet qu'il a initié et écrit est sans doute la meilleure chose qui ait pu arriver au film, évitant le rejet suscité par Monsieur et Madame Adelman, ou encore celui provoqué par Guillaume Gallienne et sa séance de psychothérapie au format maousse que constituait Les Garçons et Guillaume... A Table !
Le propos est pourtant, encore, une fois, l'expression de l'égocentrisme Bedos, en se confondant plus d'une fois avec sa propre histoire et sa propre séparation. Mais il l'expose avec bien plus de coeur et d'émotion, rendant ses obsessions bien plus attachantes.
Car d'obsession il semble être question, tant les films de Nicolas Bedos sont définis par sa conception de l'amour, inquiet, idéalisé, qui fait mal et s'envisage souvent comme impossible à préserver.
C'est aussi cette obsession du temps, face aux plus jolis souvenirs qui ressortent perdants du duel, tant ils se flétrissent et s'effacent peu à peu. Qui se dénaturent.
Nicolas Bedos semble donc nous exhorter à se souvenir des belles choses : les sentiments amoureux. Il en nourrit comme une peur panique de leur érosion, du désamour qui nait dans les couples qu'il a mis en scène dans Monsieur et Madame Adelman ou dans le film qu'il nous intéresse.
Le thème est donc rebattu chez celui-là, sauf que Nicolas en magnifie aujourd'hui, avec La Belle Epoque, l'impact qu'il a sur nos coeurs attendris, ainsi que dans les sentiments qu'ils suscite.
Il n'y a qu'à voir ce réenchantement de la première rencontre, d'abord figée, dans sa mémoire infaillible, de tous les petits détails qui en faisaient le sel et surtout le charme. Qui se superpose à la merveilleuse naissance d'une nouvelle passion par identification, grâce à la toujours aussi belle Doria Tillier. Se confondant avec les violents je t'aime moi non plus d'un autre couple, traité dans le secret de l'oreillette et le voyeurisme d'un miroir sans tain.
Prétexte pour Nicolas de mettre en abîme son intransigeance de metteur en scène, ses frictions professionnelles débordant sur la sphère privée, la jalousie, les susceptibilités réciproques, la douleur et la colère de quelqu'un qui abime sa muse et la détruit.
Pas étonnant donc que la reconstitution des souvenirs de Daniel Auteuil prenne l'aspect d'un vrai plateau de cinéma, que le réenchantement de la première rencontre prenne parfois des chemins de traverse et que l'histoire, pour une fois, se termine bien entre ces deux-là. Tel est le pouvoir quasi infini du metteur en scène sur le matériau humain emprunté tant à sa propre expérience qu'à celle des autres.
Et de se rendre compte que Nicolas Bedos n'est pas qu'un connard imbu de sa petite personne. C'est un connard imbu de sa petite personne qui parle avec son coeur de ses fagilités.
Behind_the_Mask, une époque formidable.