Personnellement, je ne sais rien de Nicolas Bedos (fils de... ?), même si j'ai cru comprendre qu'il s'agit de quelqu'un qui n'a pas très bonne réputation. Pourtant, à voir son "La Belle Epoque", j'ai tendance à penser plein de bonnes choses de lui : d'abord parce que le scénario de ce film est certainement l'un des plus malins que j'ai vus dans un film français depuis belle lurette, avec ce jeu imparable entre réalité et virtualité, auquel nul n'échappe, même pas - surtout pas - ce "Papy qui fait de la résistance", en guerre contre la modernité et ses oripeaux, sa technologie et son langage. Ensuite, parce que ni Auteuil, ni Fanny Ardant n'ont été bons comme ça, à la fois dans la subtilité et dans le charisme naturel, depuis des années, voire des décennies, et que si ajoute que Canet lui-même impressionne à nouveau, on doit avouer que la direction d'acteurs de Bedos est irréprochable.
Loin de la comédie sentimentale "de remariage" que laissait présager une Bande Annonce très stéréotypée, on se retrouve donc devant un "conte moral" assez malin, où les deux personnages principaux se retrouvent piégés par leurs propres comportements et leurs visions de la vie (lui par son attachement un peu ringard pour un passé paré de toutes les vertus, elle par sa fuite en avant vers la modernité en espérant échapper aux ravages de l'âge...), mais où, en plus, chaque personnage "secondaire" est englué dans une sorte de virtualité des rapports humains qui semble brider tout accomplissement.
En évitant le happy end trop évident du "remariage", justement, et même si le film manque un peu d'une fin moins "en pointillés" pour laisser un souvenir vraiment marquant, Bedos fait preuve de lucidité et de courage : plutôt qu'un feel good movie, il nous aura offert une jolie réflexion sur le rapport trouble entre vérité et mensonges, et sur le rôle que chacun joue, pour lui-même et pour les autres. Que tout ceci ait été emballé dans le paquet cadeau attractif d'une comédie sentimentale éminemment conceptuelle tranche agréablement sur le tout-venant de notre cinéma hexagonal.
[Critique écrite en 2019]