Les amis, les amours, les femmes.
La belle équipe est un film de 1936. Dire cette date est très importante, car c'est l'époque du Front Populaire, et de la sortie de la crise de 1929, où chacun a envie de s'en sortir, de devenir meilleur. C'est un peu le credo du film qui prône l'amitié entre cinq hommes pour qui la chance va frapper et l'amour va malheureusement tout briser.
C'est porté par cinq acteurs formidables, dont l'excellent second rôle Raymond Aimos, et sa gouaille parisienne si typique, mais on voit surtout Jean Gabin et Charles Vanel, tous les deux magnifiques d'intensité. A noter que pour ces derniers, leurs personnages portent leurs propres prénoms.
D'ailleurs, pour Gabin, sa jeunesse et son charisme emportent l'adhésion et représente l'ami avec un grand A. Il est bien loin de ce qu'il fera des décennies plus tard, car il apporte aussi des nuances de faiblesse très touchantes.
Le film est par moments assez drôle, notamment le début où l'un d'entre eux joue un tour à un barman tandis que les deux autres tentent de saboter une machine de hasard avec en musique La marseillaise. Mais il règne surtout une grande mélancolie, et l'envie de réussir dans cette France chamboulée, car cinq personnes valent mieux qu'une, et la richesse subite de l'un d'entre va tout changer, et aussi l'arrivée des femmes.
Viviane Romance, qui incarne ici la femme de Charles Vanel, apporte un côté femme fatale assez troublant, toujours avec ce délicieux accent dit titi, et va être celle qui va pousser le film vers sa fin. Phrase ô combien idiote, mais La belle équipe est un de ces cas qui a été censuré par le Front populaire, et c'est donc pour ça qu'il a deux fins, celle dite positive, et l'autre pessimiste (cette dernière étant la vraie fin envisagée par Julien Duvivier et Chales Spaak, le scénariste).
Je n'aime pas vraiment la fin positive, car elle est assez naïve et contredit plutôt là où le film va nous emmener. Le pessimisme de l'autre fin nous cueille au contraire par son émotion, et un des derniers plans, avec le regard embué de Gabin, est quelque chose de magnifique, et un des grands moments du cinéma français, même près de 80 ans après.
Aujourd'hui, La belle équipe souffre de ne pas être vu par plus de monde à cause de soucis juridiques, à cause de ces deux fins, qui en empêchent sa diffusion en dvd. J'ai pu bénéficier d'une VHS lors de sa diffusion au Cinéma de minuit en 2006, qui proposait tour à tour les deux fins (cette fin pessimiste a d'ailleurs des sous-titres allemands imposés, car seul l'Allemagne disposait encore de la version intégrale), mais depuis, c'est un film officiellement impossible à voir.
Il n'en reste pas moins que c'est un très beau film, soudé par une franche camaraderie (pour rester dans des termes de l'époque), et une très belle histoire, même si je pense que pour certains, elle pourrait être naïve de par son utopie.