Sur le papier, La Belle et La Bête était un des événements du cinéma français de 2014. Budget de 45 millions d’euros, sélection au Festival de Berlin, et surtout grand retour de Christophe Gans sur le sol français, treize ans après Le Pacte des loups. Mais à l’écran, c’est malheureusement la déception qui prend rapidement le dessus.
Commençons par le positif. On le savait déjà, Christophe Gans est un amoureux de l’image. Et on est content de voir qu’il n’a rien perdu de sa superbe à ce niveau. Chaque plan du film est travaillé au millimètre près, ce qui fait de La Belle et La Bête un plaisir pour les yeux lors de nombreuses séquences. Les décors de Thierry Flamand sont splendides, les costumes de Pierre-Yves Gayraud magnifiques, et le tout est sublimé par la lumière de Christophe Beaucarne (et on peut aussi ajouter le plaisir des oreilles, grâce à la somptueuse partition de Pierre Adenot). Mais, si l’idée de quasiment tourner l’intégralité du film en studios (ceux, mythiques, de Babelsberg qui plus est) était absolument géniale pour revenir à un cinéma à l’ancienne qui sied si bien au conte, on peut déjà reprocher à Christophe Gans d’abuser de rajouts numériques qui viennent totalement briser la féérie du « fait-main ». Si on peut comprendre l’intérêt de certains plans réalisés par ordinateur pour accentuer la grandeur du domaine de la Bête, d’autres s’avèrent plus que dispensables lorsqu’il s’agit de verser dans le sensationnalisme (voir les statuts de pierre), d’autant plus que certains effets spéciaux ne sont clairement pas au niveau de ce qui se fait actuellement. Et concernant la Bête en elle-même, nous y reviendrons plus loin.
Mais, à la limite, acceptons (même difficilement) ce besoin de gigantisme devenu la règle en la matière dans les blockbusters. Le principal problème du film de Christophe Gans tient en la quasi absence d’émotion. Et une des principales causes est clairement la rigidité de la mise en scène. Si la précision du réalisateur permet de livrer de belles images, elle emprisonne tout le reste, à commencer par les acteurs. Si le choix d’une direction théâtrale est justifiable, le jeu quasiment millimétré des comédiens est absolument effroyable. La palme revient à Léa Seydoux, sorte de poupée monolithique sans expression, déplacée de décors en décors. A ça vient s’ajouter le choix d’une bête numérique. Vincent Cassel s’est peut-être épargné quatre heures de maquillage par jour, mais sa Bête, faute d’expressivité, n’aura jamais l’humanité de celle de Jean Marais. Enfin, ajoutez à tout ça un scénario qui oublie de créer de vraie séquences intimistes entre Belle et la Bête, pour montrer leur amour naissance, est vous obtenez la recette pour réaliser un film sans âme.
A la suite de cette critique, j’en entends déjà certains qui critiqueront ma nostalgie du film de Cocteau. Tant pis, j’assume pleinement mon besoin de poésie, de magie et d’émotion, face à ce courant actuel d’un certain cinéma qui ne vise que le sensationnel.