Ce chef-d’œuvre du cinéma français de Jean Cocteau avait certainement de quoi séduire le public de 1946, mais aura désormais bien du mal à nous convaincre depuis notre siècle.
Je dois dire que j’étais ravi de découvrir ce film. J’avais déjà essayé de le regarder, lorsque j'étais enfant, sans y parvenir (le visionner après avoir vu le chef d’œuvre de Disney est sans doute une mission impossible pour n’importe quel enfant du monde), mais désormais que je suis adulte je me sentais prêt à l’accueillir sans jugement. Par ailleurs, je n’avais jamais vu de film de Cocteau, donc ma curiosité n’en était que plus grande encore. Malheureusement, je ressors de ce film avec un sentiment plus que mitigé, si certains aspects de l’œuvre m’ont enchanté, d’autres m’ont carrément navré.
Ainsi certains éléments s’apparentent davantage à du sabordage qu’a un parti pris. Il semblerait que le genre du conte de fées n’ait pas droit aux mêmes faveurs et aux mêmes sérieux que d’autres. Souvent, pour ne pas dire toujours, les acteurs sont dans une exagération grotesque. Les personnages sont soit très idiots, soit très cruels, soit très naïfs. Sans subtilité, ils s’inscrivent dans les pires stéréotypes connus. L’histoire semble autant fâchée avec la logique qu’avec la crédibilité. Quelques passages sont poussifs et même ennuyeux. Enfin, le défaut que j’ai le plus de mal à comprendre, ce sont les dialogues qui sont insipides, tant que ça en devient risible, une vraie calamité surtout pour un film réalisé par un poète.
À l’opposé, j’ai adoré l’ambiance du film, certains plans sont incroyablement beaux, surtout l’arrivée de Belle dans le manoir qui bénéficie d’un esthétique onirique des plus féérique. D’autres scènes sont tout aussi réussies, comme l’envol de l’ultime scène. Les décors sont magnifiques et certaines trouvailles sont ingénieuses et parfois très subtiles (même si le tout manque cruellement de variété). La musique est aussi franchement réussie et nous plonge directement dans le genre fantastique.
C’est donc la forme que j’ai préférée au fond, avec des défauts trop nombreux dont l’omniprésence a gâché mon plaisir. La Belle et la Bête est certainement le conte de fées que j’aime au-delà de tous les autres, mais cette version de Jean Cocteau est loin de le sublimer, et en définitive je n’en ai apprécié que son esthétique, pour mon plus regret, car j'avais terriblement envie d'aimer cette oeuvre.