Il aura fallu un prétexte pédagogique pour que je regarde ce classique. C’est l’occasion de remercier l’asso Film et Culture pour la qualité de son travail depuis 1956. Le plus difficile avec ce film de Cocteau, c’est probablement de se détacher de ce qu’on connaît déjà du conte par ses très nombreuses et célèbres adaptations, à commencer par celle, animée, de Disney.
Belle a deux sœurs, de vraies pestes, et un frère à problèmes. Elle a aussi un prétendant, beau et valeureux. Alors que son père se paume en forêt, il s’introduit dans la propriété d’une étrange bête qui l’autorise à rentrer chez lui à la condition qu’une de ses filles prenne sa place. La gentille Belle accepte et va faire la connaissance d’un être moins bestial qu’il n’y paraît.
C’est un projet à la fois étrange et réjouissant. Le générique, écrit à la craie sur un tableau noir, nous dit que le film sera une recherche formelle par un cinéaste qui n’en est pas vraiment un à l’époque. C’est surtout le prolongement d’une œuvre globale. Ce regard neuf se ressent particulièrement aux moments où le merveilleux se manifeste, dans ces tableaux animés à l’éclairage parfait. Peut-on parler d’innovations fulgurantes ? Peut-être pas, mais c’est assurément un usage fulgurant du trucage au cinéma tel qu’il se pratique depuis Meliès qui lui-même citait Houdin l’illusionniste. De fait, on est sous le charme d’un château vivant et de jeux de miroirs malicieux. La photo, très réussie, joue pour beaucoup dans cette ambiance presque gothique. L’intrigue repose sur le schéma classique du conte et ne surprendra pas. On pourra même trouver le temps un peu long lors d’un petit ventre mou au milieu du film. Mais il faut dire que, d’ordinaire, je n’aime pas les contes. La conclusion en revanche se permet une interprétation libre surprenante, comme une fin ouverte. À l’interprétation, ça fonctionne bien et on imagine sans peine le travail titanesque pour grimer Jean Marais. Josette Day est nickel dans son rôle et les frangines sont parfaitement insupportables comme de bien entendu.
En bref, si ce n’est pas le chef-d’œuvre annoncé du fait d’un récit parfois redondant (c’est souvent le propre du conte), c’est une vraie réussite formelle et un émerveillement visuel de tous les instants. Et pour ne rien gâcher, le film fonctionne toujours bien avec des mômes de 10-11 ans dont on penserait qu’ils ont déjà tout vu.