Le conte mis en scène par Cocteau, que l'auteur nous invite à voir avec le regard de l'enfance, recompose, tout en s'en inspirant, l'esprit des récits merveilleux, de l'enfance précisément. On y rencontre l'incontournable prince charmant, une jeune fille aux airs de Cendrillon, un miroir (toujours important dans l'oeuvre de Cocteau) façon Blanche-Neige...
Pourtant, l'univers fantastico-onirique de Cocteau dépasse le cadre aimable et enfantin de certaines des légendes d'Andersen ou Perrault. En entrant dans la demeure inquiétante de la Bête, on pénètre dans un monde magique et éclectique aux accents mythologiques et surréalistes. Cette poésie par l'étrange se caractérise par une expression visuelle faite de zones d'ombre ou d'éclats de lumière, comme pour signifier l'ambivalence de la Bête, avatar de Jekyll et Hyde récrées par la poésie.
Car la Bête menaçante et peut-être dangereuse a un coeur qui la rend sensible à la beauté et à la bonté de la Belle. La Bête, contrainte et résignée à la solitude à cause de sa monstruosité, témoigne alors d'une pathétique souffrance amoureuse qui trouvera un heureux dénouement, tant il est vrai pour Cocteau, que l'Amour est plus fort que les apparences les plus laides. Malgré son masque, Jean Marais restitue superbement la douleur universelle de la Bête, sa générosité jusqu'alors contenue et, surtout, son insupportable complexe. Le film de Cocteau est indéniablement une des plus belles et émouvantes exaltations du sentiment amoureux.