Alors que Walt Disney se montre de moins en moins présent auprès de ses équipes d'animation pour se focaliser sur la production de films en images réelles et sur le développement de Disneyland, un vieux script abandonné ressort des tiroirs 15 ans après ses premières ébauches. En effet, L'Oncle Walt avait reçu dès 1937 une première version du scénario écrite par ses fidèles collaborateurs Joe Grant et Dick Huemer qu'il avait mis de côté considérant que ce n'était pas satisfaisant. Il faut attendre 1943 pour que le projet refasse surface grâce à une courte nouvelle écrite par Ward Greene puis 1944 avec une petite histoire écrite par Cap Palmer qui sera engagée par le Tonton de Mickey pour intégrer sa romance dans le film. La Belle et le Clochard commence à prendre vie.
3 choses démarquent ce nouveau Classique Disney dès sa production. C'est la première fois qu'un film Disney est distribué par Buena Vista montrant l'indépendance désormais totale du studio, c'est la première fois qu'un film d'animation Disney n'est pas adapté d'une oeuvre déjà existante, la version finale du script étant un mélange de toutes les écritures proposées à Walt Disney, et surtout, c'est le premier film d'animation et l'un des premiers films tout court à utiliser le format d'image Cinemascope.
La légende voudrait que Richard Fleischer lui-même aurait poussé les Studios Disney à davantage utiliser cette technologie, ce format ayant marché à merveille avec son propre film produit par Walt Disney Pictures, le génial Vingt Mille Lieues sous les Mers. Les cinémas de l'époque ne pouvant pas tous s'équiper du matériel nécessaire pour diffuser ce format dans les salles, deux versions du film sont proposées.
Il est admirable de voir que pour le premier film d'animation à utiliser ce format d'image, La Belle et le Clochard reste encore aujourd'hui la référence dans ce domaine. Rien n'est de l'esbroufe, le Cinemascope apporte une vision unique à cette romance canine.
En anamorphosant l'image sur des plans très larges, l'histoire n'est suivie que du point de vue des chiens. Les visages des humains ne sont quasiment jamais montrés à l'écran et les décors gagnent considérablement en immensité.
La narration est dès lors un véritable tour de force! L'immersion est totale et le format rend l'image plus belle qu'elle ne l'est déjà.
On dit parfois que la mise en scène est au service de l'histoire. C'est le cas ici. Chaque plan justifie la vision de la chienne, Lady, sur son environnement. Pensant que ses maîtres s'appellent "Darling" ou "Jim Chéri" à cause des surnoms qu'ils se donnent régulièrement dans la vie privée ou croyant qu'elle va perdre sa place à cause de l'arrivée d'un bébé dont elle ignore tout, le personnage devient instantanément attachant par son innocence et les scénaristes ne tombent pas dans le piège de créer des gags stupides autour de cet élément scénaristique. Les autres animaux ne sont pas en reste, tous follement attachants que ça soit par leur caractère ou leur animation bluffante, ils sont parmi les compagnons à quatre pattes les plus mémorables que le cinéma d'animation nous ait proposé.
Mais La Belle et le Clochard est avant tout un film romantique. En choisissant de placer son histoire d'amour au début des années 1910 dans une petite banlieue américaine, le film se retrouve teinté d'un charme nostalgique et mélancolique dès les premières minutes. Le décor parfait pour suivre nos deux personnages durant plus d'une heure.
Et pourtant, même sur ce point, le film surprend. Entre la première rencontre entre Lady et le Clochard et leurs retrouvailles, il faut attendre 20 bonnes minutes et ceci sans que l'un ne pense à l'autre à un seul moment et vice-versa. La romance se construit progressivement au fur et à mesure que le film avance et les deux animaux ne tombent véritablement amoureux qu'à la toute fin et sans dialogue niais ou astuce facile.
C'est d'ailleurs la plus grande force de l'histoire. Son côté naturel. Il n'y a aucun méchant, aucune grosse péripétie, aucun enjeu précis. C'est juste la vie qui suit son cours. La scène qui résume le mieux ce point est celle de la Fourrière. Il aurait été tellement facile qu'en se retrouvant dans cet environnement hostile, Lady devienne la proie de certains chiens lui reprochant ses origines sociales ou qu'elle soit maltraitée sans raison. Il n'en est rien. Les chiens se montrent même particulièrement accueillants et, sans le savoir, mettent mal à l'aise le cocker en dévoilant le parcours du Clochard sans que cela soit tape-à-l'oeil ou grossier.
Mais la scène qui aura évidemment marqué tous les esprits est celle de la Bella Notte. Il ne s'agit pas juste d'une superbe scène Disney, elle doit figurer parmi mes scènes préférées tous films confondus. Pas uniquement le moment où nos tourtereaux mangent des spaghettis avec la compagnie des restaurateurs Joe et Tony (5 minutes d'apparition et disposant pourtant d'un énorme capital-sympathie, du génie je vous dis), la scène qui suit où ils se promènent en pleine nuit dans le parc est absolument magique. La musique, les visuels, l'ambiance, l'attachement immédiat pour ces deux chiens, c'est grandiose. Cette scène résume tout mon amour et toute ma passion pour les Classiques Disney. Je pourrai la revoir à l'infini sans m'en lasser, c'est d'une beauté rarement égalée.
La Belle et le Clochard est la preuve formelle que les histoires les plus simples sont les plus belles. La mauvaise foi dont ont fait preuve les critiques de l'époque n'a pas influencé le public qui n'aura cessé d'élever ce Grand Classique au rang de film culte au fil des années.
Bijou de narration, de mise en scène et d'écriture, La Belle et le Clochard est un chef-d'oeuvre intemporel qui me bluffe encore plus à chaque visionnage. Dans mon Top 3 des meilleurs Classiques Disney. Brillant.