Une hérésie et pourtant une des meilleures suites

La Belle et le Clochard 2: L'Appel de la Rue, l'air de rien, est assez fascinant pour une suite Disney. Il nous apprend à faire la différence entre trahir le scénario d'un premier film et trahir un premier film tout court. Je suis en quelque sorte attaché à ce deuxième film car j'ai grandi avec sa VHS étant plus jeune mais comme tout bon fan qui se respecte, il y a un temps où il faut revoir les films de notre enfance quitte à ce que ça frappe là où ça fait mal. Ayant un immense respect envers La Belle et le Clochard, je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre pour ce revisionnage de L'Appel de la Rue. Et comme je l'ai dit plus haut, le cas de cette suite est fascinant à étudier.
La forme est soignée mais le fond est à jeter.

Il faut être clair sur ce point, La Belle et le Clochard 2, contrairement à bien des suites, ne massacre pas les personnages du premier film ou son histoire. Mais sans grande surprise, il contient des idioties parfois impardonnables.
La base-même du scénario est complètement ratée. Les artistes de DisneyToon Studios refont exactement la même erreur que pour La Petite Sirène 2: Retour à l'Océan, à savoir, nos héros sont devenus des parents "responsables" et, au lieu de mettre en garde leur fils du danger provenant de l'extérieur, ils vont comme deux grands abrutis cacher les raisons de ce danger sans jamais expliquer à leur descendance pourquoi il est important de rester auprès de sa famille.
Il suffirait que le Clochard dise: "Dehors, Fourrière + Sans-Colliers = Enfermement." et c'est bon, le film se termine au bout de 5 minutes.

Le Clochard est d'ailleurs le seul personnage du premier film à être un minimum exploité dans cette suite, Lady ne faisant quasiment que de la figuration, ça en presque insultant. Et pourtant, même sur ce point, le film échoue à moitié. Si le film tente de lui donner une personnalité plus forte et un background plus riche, la cohérence avec le premier film est inexistante.
Si le Caïd et lui étaient comme "les deux doigts de la patte", pourquoi n'a-t-on jamais vu le Doberman dans le film original? Ou même sa bande? Et pourquoi personne à la Fourrière ne fait mention de cette troupe? D'ailleurs, quand est-il de l'honneur du Clochard? Il est le leader d'une bande et l'abandonne du jour et lendemain sans laisser signe de vie? On est vraiment censé soutenir ce personnage?

Et l'hérésie ne s'arrête pas là. En terme de narration, ça mérite une médaille tant les réalisateurs n'ont absolument RIEN compris à la mise en scène du premier film. Terminée l'histoire racontée uniquement du point de vue des chiens par l'utilisation judicieuse du Cinemascope (remplacé ici par un format 16/9 tout à fait lambda), L'Appel de la Rue passe son temps à alterner les plans de la vision des chiens et les plans d'ensembles dévoilant les visages humains comme si c'était normal. La Belle et le Clochard 2 devient un film d'animaux comme il en existe des centaines d'autres avec personne à la barre pour diriger le navire. J'imagine toujours les réalisateurs entrer dans la salle et dire "Eh! Mais c'est nul! On voyait jamais les visages des humains dans le premier film! Corrigeons cette erreur!".

Et tant qu'à faire, pourquoi pas rendre l'ensemble plus cartoon? Maintenant que les équipes s'en foutent de respecter l'oeuvre d'origine, il faut s'attendre à un bon nombre de gags stupides avec des design totalement hors-sujet pour les humains bien qu'ils ne soient que rarement vus.
Cette ringardisation passe également par toutes les références au premier film. Dès que La Belle et le Clochard 2 tente de rendre hommage à son matériau de base, il se plante monumentalement la gueule. Comment prendre la Fourrière pour une menace furieuse alors que son seul représentant est un comic-relief idiot et incompétent à la voix nasillarde? Pourquoi reprendre la scène des Spaghettis pour une durée aussi limitée? Le clin d'oeil ne suffit pas. Au mieux, pourra-t-on trouver ça mignon mais c'est plus gratuit qu'autre chose. Cela va au point que le "combat final" fait directement écho à l'affrontement entre Le Clochard et le rat à la fin du premier film, mais le tout sans tension, sans sérieux et avec un décor mal représenté.

Mais pourtant, tout n'est pas à jeter dans La Belle et le Clochard 2. Malgré sa trahison évidente envers l'esprit du premier film, il conserve des qualités techniques et musicales indéniables.
Pour commencer, la bande-originale est étonnamment de très bonne facture. Les chansons "Un Monde sans Barrière", "La Famille" et "Je n'avais jamais ressenti ça" surprennent par leur capacité émotionnelle. Elles sont d'ailleurs les meilleurs moments du film.
Au niveau de l'animation, pour un Direct-en-vidéo, c'est du travail bien fait. Les animaux sont assez bien animés et l'ensemble est agréable à l'oeil.

Même au niveau du scénario, il y a des bonnes petites choses à retenir. Principalement le personnage d'Ange qui arrive à être relativement mignon et attachant. La petite chienne est un ajout très appréciable au film d'origine et sa relation avec notre héros, Scamp, n'est pas trop mal amenée.
Et bizarrement je n'ai rien contre le fait que ça soit l'enfant qui apprenne la leçon de son père, celle-ci n'ayant jamais été suivie de son point de vue dans La Belle et le Clochard et étant traitée différemment ici, c'est mieux fait que d'habitude.

Avis très mitigé donc pour ce deuxième volet. Tout dépend de comment on voit ce film.
En tant que simple divertissement vidéo pour occuper les enfants ou les nostalgiques pendant 60 minutes, La Belle et le Clochard 2: L'Appel de la Rue fait bien le boulot. L'aventure est plaisante à suivre et s'impose comme une des suites les plus appréciables de la boîte violeuse.
Mais en tant que suite, il est difficile de ne pas crier au scandale en voyant un tel irrespect pour les choix artistiques du matériau d'origine.
Je resterai toujours entre les deux camps. Mais au moins, je ne déteste pas ce deuxième volet déjà un exploit pour une suite Disney non?