mars 2005 :
Quel drôle de film! Je suis pour le moins surpris par un film de 1975 qui n'est ni plus ni moins qu'un manga quasi porno filmé!
On a quoi? Une riche jeune femme qui est sur le point de se marier par arrangement avec le fils demeuré d'un aristo ruiné et qui fait des rêves étranges : elle est poursuivie puis violée par une espèce de monstre ours-loup-rat. Quand je parle de porno, j'évoque les plans sur sa verge éjaculant par litres.
Le thème du film semble être la relation eros/thanatos, la bête violant la jeune fille, qui en redemande, se découvrant des désirs bestiaux, mais également la bête étripant et déchirant les chairs d'un agneau, lacération qui la met en érection avant de poursuivre l'autre agnelle humaine.
La religion et son emprise sur la société sont également lacérées par le cinéaste qui montre les arrangements avec le Vatican sur la conformité du mariage et du baptême de son fils, petits arrangements dénoncés par ailleurs jusque dans la mort par un autre personnage. C'est le seul point vraiment intéressant du film.
Les acteurs ne sont pas fameux. Certains plans sont ahurissants, statiques, filmant avec plus ou moins de bonheur les scènes, parfois l'on assiste par ex. à une conversation mais avec un plan fixe éloigné sur un seul interlocuteur. Déstabilisant d'autant que je n'en comprenais pas le sens.
Il y a d'autres points dont je n'ai toujours pas compris la nécessité notamment, l'escargot sur la chaussure pendant le viol, la relation entre la jeune fille et le valet de chambre, la présence des enfants dans le placard...???... vraiment, un film très étrange.
Quant à la fin, la découverte de l'état du fils, et la morale... si l'on puit appeller cela une morale, proposée par les deux religieux devisant sur la bestialité et la punition, tout cela ressemble à une morale de fable, mais un peu trop facilement énoncée, trop évidente.
Le film serait donc une sorte de fable, un conte moralisto-érotico-philosophico-mystique, un assemblage hétéroclite de La Fontaine, Sade et Voltaire...???
Mouais, pas vraiment enthousiasmé, je suis plutôt déçu par le manque de soin pris sur certaines de scènes de comédie, sur le jeu des comédiens (Tréjan est parfois faux!) sans parler des comédiennes jolies mais nulles.
Etonné par la qualité des effets spéciaux, je dis cela avec rire! La scène de viol par exemple est tout sauf tragique ou immonde, mais plutôt drôle, on a tellement de mal à y croire, pourtant, le réalisateur semble avoir fait des efforts sur les effets d'éjaculation... C'est irrésistiblement comique.
Déçu par le battage publicitaire fait sur l'édition dvd du film. Heureusement que Ciné Cinéma Auteur est passé par là. Cela m'aurait bien fait chier d'acheter ce film!
Donc un 5 pour l'originalité et l'humour.
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Juillet 2010:
Quel film! Je l'avais découvert sur le câble il y a quelques années déjà et j'avais été estomaqué par le culot du cinéaste Walerian Borowczyk. Aujourd'hui encore je le demeure. Comment ce film a-t-il pu être réalisé de manière si directe, si concrète? En soi, il faut saluer l'effronterie du propos : oser évoquer la bestialité, la zoophilie, même sous un angle fantastique, un peu horrifique, est un défi que Borowczyk a relevé de façon incroyable, frontale et spectaculaire, mais par dessus le marché il parvient à produire un film érotique quasi pornographique. Et encore je rajoute le préfixe "quasi" car la bête finalement n'est qu'une association d'effets spéciaux. Mais ces effets fonctionnent dans une étrange et fascinante pornographie. Certes nous n'avons pas droit à des plans de pénétrations (c'est moins une) par contre branlettes et éjaculations abondent. La bite de la bête, par son réalisme déformé, bluffe encore de nos jours.
Chose tout aussi étrange, le casting n'est pas médiocre. Guy Tréjan, Marcel Dalio et dans une moindre mesure Roland Armontel témoignent d'une qualité certaine sur le plan du jeu des comédiens.
Dans les souvenirs de mon premier visionnage se heurtent des interrogations sur les véritables ambitions de Borowczyk : voulait-il créer un film érotico-fantastique dans une sorte d'amalgame entre Sade, les contes pervers des libertins du XVIIIe siècle et des textes plus contemporains sur l'essence de l'humanité, ses liens ambigus entre âme et animal (au-delà de l'étymologie)? Ou bien a-t-il profité de ces justes et intéressantes questions pour complaisamment filmer du porno déguisé, détourné par ce semblant d'homme, la bête?
Le deuxième visionnage me laisse encore plus perplexe que le précédent, d'autant plus que cette fois j'avoue qu'à part la scène de poursuite dans les bois que j'ai trouvée particulièrement longuette, je me suis laissé captiver par l'ambiance du vieux château et des ses occupants dégénérés.
J'ai aussi été charmé par les élans enfiévrés de la curieuse Lisbeth Hummel, très jolie, expressive, vaporeuse, coquine et charmeuse comme il faut. Les comédiens m'ont bien plu. La provocante manifestation de l'anticléricalisme du scénario m'a fait rire. Armontel en prêtre adophile a de nos jours des résonances bien plus dramatiques il est vrai.
Pour conclure, c'est un film que j'aime bien maintenant, qui aborde des thèmes excitants mais qui en choquera plus d'un. Pourtant très drôle, je ne le conseille toutefois pas formellement : il faut faire preuve d'une ouverture d'esprit très large, je pense, pour accepter le scabreux et la provocation ouvertement violente de ces images afin de les renverser. Rendre le glauque risible, c'est le rendre visible. Je suppose.