Escale à Stockholm
J'avais entendu beaucoup de bien de ce film, personne ne tarissait d'éloge à son sujet et je m'attendais donc à un grand film très érotique (autrement dit avec beaucoup de nu), il a fallu faire le...
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le 8 mars 2014
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Adaptation du roman du même nom paru en 1931 et écrit par Edogawa Ranpo, communément considéré comme le père de l'ero guro, mouvement littéraire et artistique d'influence sadienne travaillant sur la frontière entre calvaire et volupté.
C'est tout à fait fidèle à cette ligne directrice que Masumura osait en 1969 cette histoire d'une obsession érotique déviante, dévorante, monstrueuse, à la croisée des chemins entre L'Empire des Sens (Ōshima, 1976), L'Obsédé (Wyler, 1965), Le Voyeur (Powell, 1960) ou La Prisonnière (Clouzot, 1968).
Ici, Michio est un sculpteur aveugle tourmenté par le corps des femmes et harcelé au fond de lui par la réputation de beauté du mannequin Aki Shima dont les courbes le hantent depuis que ses mains ont pu longuement caresser, à la faveur d'une exposition, une statue pour laquelle elle avait servie de modèle. Se faisant passer pour un masseur au sens du toucher exacerbé en raison de son handicap, Michio réussit à l'approcher avant de l'enlever avec l'aide de sa mère et de la séquestrer chez lui, là où il habite seul en tête-à-tête avec maman depuis sa plus tendre enfance. L'objectif de son sinistre plan sera d'enfin pouvoir, grâce à son art, capturer les formes parfaites de cette femme qui le fascine tant et en faire sa création ultime, son œuvre totale, l'accomplissement de son rapport au désir et au plaisir par la satisfaction pleine et entière de son sens dominant, déterminant : le toucher, donc. Mais par son art seulement ; seul depuis toujours, Michio n'imagine pas posséder Aki autrement que par l'intermédiaire de la sculpture. Dès ce moment et la découverte de "l'antre de la bête", Masumura nous transpose dans un univers surréaliste en nous dévoilant son lieu de travail autant que de vie, un atelier aux murs et plafond recouverts de gigantesques morceaux de corps féminins en plâtre. Nez, bouches, poitrines, oreilles ou yeux sont ainsi les observateurs silencieux d'un monde funèbre et clos de fantasmes au découpage morbide. Sensation de malaise garantie pour notre captive dont les premières intentions seront évidemment de tout de suite penser à la façon de s'évader de cet enfer malgré la surveillance étroite de la mère de l'artiste, assumant sans broncher son rôle de geôliere et complice de la folie de son fils, lui-même prisonnier avec elle depuis trop de temps d'une relation aux forts relents œdipiens. Prise au piège et syndrome de Stockholm oblige, Aki apprendra peu à peu à se rapprocher de Michio et leur relation évoluera jusqu'à conduire Masumura à explorer d'étranges contrées où plaisir et douleur peuvent se conjuguer dans la contrainte, dans le raffinement de la souffrance, toujours plus loin, avant peut-être même de tomber dans ce vertigineux "abîme non-humain".
Dans cette exacerbation des sens spectaculaire et éprouvante, les yeux au bout des doigts, Masumura organise un face-à-face fiévreux entre la victime et le bourreau en fouillant les replis les plus transgressifs et macabres de leur penchants, de leur psyché. De leur rapport de force à huis clos, vorace, sensuel et pervers, découlera une relation hors-norme échappant à la pensée, aux limites des épreuves sensées, déréglée par l'ivresse des mondes tactiles, celui "des insectes, des étoiles de mer et des méduses".
Si l'on pourra éventuellement reprocher à Masumura une descente en décadence par instants un peu forcée, la copie proposée relève sans nul doute des expériences qui marquent durement, pour longtemps.
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il y a 4 jours
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