La BM du seigneur par NicoBax
Un docu-fiction très "cinéma français intello avec point de vue naturaliste" en immersion dans un camp de gens du voyage en Picardie. Le quotidien dans les caravanes où cohabitent ferveur religieuse et vie de larcins, violence et solidarité.
Fred est un colosse tatoué, arborant une énorme cicatrice à la gorge (vestige d'une agression) et spécialisé dans le vol de voitures, il regarde le temps passer entre deux commandes. Fumer du shit et boire avec les hommes du camp, gérer les conflits familiaux, c'est ça le quotidien pour Fred jusqu'à une nuit où un envoyé de Dieu lui confit un chien à garder. Dès lors, Fred va essayer de changer de vie, pense au baptême, au mal qu'il a fait dans sa vie mais sera confronté à l'incompréhension de sa famille (en particulier son frère Jo) et à ses propres faiblesses...
Intéressant de plonger dans le quotidien des gens du voyage, sans une voix off à la Bernard de la Villardière pour dispenser des jugements sur leur mode de vie. Pour autant, pas d'angélisme : la famille de Fred vit du vol et du recèle, il confesse n'avoir d'ailleurs jamais fait autre chose de sa vie (ce qui rend son envie de conversion compliquée), on organise des combats d'honneur pour régler un conflit et on n'hésite pas à sortir le fusil quand le ton monte. Mais le camp est aussi le théâtre de moments de tendresse brutale, de maladresses de gens simples mais vrais... Les hommes n'hésitent pas à parler, à dire les choses, sans fausse pudeur, aussi bien dans l'amour que la haine, loin de l'image d'Épinal du voleur de poule vicieux qu'on nous vend depuis des années.
Malheureusement, la caméra de Jean-Charles Hue donnerait des envies de dormir à un insomniaque. Les séquences sont longues, très longues. Quand il s'agit de restituer le rythme de la vie sur le camp, très bien. Quand on a droit à un plan sur une nuque pendant une discussion (pas toujours évident de toujours bien comprendre ce qui se dit, l'élocution des rabouins étant ce qu'elle est ^^) ou un contre jour total pendant 2 ou 3 minutes, c'est épuisant et ridicule. Hue joue au réalisateur intello et semble délayé son sujet comme s'il se rendait compte sur le tas qu'il n'avait pas assez à raconter. Pas assez écrit ou trop respectueux de la famille Dorkel (dont il est proche), on manque un peu de consistance, un gout de trop peu jusqu'à un final qui laisse tomber le spectateur au moment le plus intéressant. Et puis Fred Dorkel est impressionnant, je ne sais pas à quel point l'histoire est scénarisée mais il livre une très jolie performance, laissant le plus souvent le soin à ses yeux profonds de s'exprimer à sa place.