L'armée ayant enfin déserté ses bureaux suite à la fin de la guerre, Walt Disney peut se remettre au travail et espérer une remise en forme rapide pour son entreprise. Mais il y a un pépin, financièrement, il est sur la paille et ne doit pas investir dans des projets trop chers. L'idée d'un autre Fantasia va donc se muter en une compilation de plusieurs courts-métrages qui va véritablement inaugurer le genre du package, dominant durant la première période de crise du studio.
La Boîte à Musique va apprendre à son public combien l'écart d'appréciation peut être important en fonction du format utilisé. Emballées les unes avec les autres, les séquences ne laisseront pas un souvenir impérissable dans la mémoire collective alors que séparément, certaines se démarqueront réellement au fil du temps. L'objectif était avant tout de maintenir le personnel en activité et de faciliter la rentabilité des productions.
Parmi les morceaux qui remplissent l'oeuvre, un a fini par être purement retiré de toutes les éditions vidéo existantes dans le monde, The Martins and The Coys, pour son propos polémique mettant en scène les armes à feu (qui s'achèvent sur une boucherie générale) et, peut-on même dire, les violences conjugales. Légèrement regrettable car il est assez réussi mais n'aurait pas correspondu à une ouverture. Blue Bayou, qui devait à la base être inclus dans Fantasia, s'y prête bien plus mais démontre tout le problème de La Boîte à Musique.
Aucun des segments n'a de concordance avec un autre. Le film ne met jamais en condition le spectateur sur ce qu'il s'apprête à regarder, créant une déstabilisation fâcheuse. Ainsi, nous passons d'histoires comiques dans la veine des cartoons de l'époque (Casey at The Bat) à de la contemplation (Without You, Two Silhouettes) jusqu'à de la stylisation sur fond de jazz (All the Cats Join In, After You've Gone). Si les fragments sont bien rythmés et dessinés, ils sont défavorisés par leur courte durée et leur empilement amenuise l'émotion.
Mais comme dit plus haut, quelques uns affichent un bilan tout à fait honorable. Le plus connu est Pierre et le Loup et pour une bonne raison, il mélange savamment moments de tension (les apparitions du Loup) et humour (les animaux accompagnant le garçon, Ivan le chat en particulier) sur les musiques originelles de Sergueï Prokofiev. Il est certes le plus classique du lot mais aussi un des plus efficaces.
À ses côtés se tient l'excellent Johnnie Fedora and Alice Bluebonnet qui a l'idée farfelue de personnifier les chapeaux en y relatant un amour impossible (ou presque). La mise en scène est des plus ingénieuses en filmant la société américaine uniquement du point de vue de leurs couvre-chefs tout en racontant une aventure plausible si seul l'humain était dans le cadre. Enfin, The Whale Who Wanted to Sing at the Met est la plus étrange création du film par son idée de départ et sa fin inattendue mais bénéficie d'une interprétation fantastique et d'images inimaginables.
Trop vite rabaissé au rang de sous-Fantasia, La Boîte à Musique est un panaché manquant d'équilibre et d'affinité entre ses courts-métrages mais la valeur artistique de ces derniers n'est pas à dénigrer, chacun d'eux disposant indépendamment d'une belle panoplie de qualités, aussi bien musicales que visuelles.