Il faut bien convenir que j'ai davantage suivi les soubresauts politiques latino-américains du côté des opprimés et des humbles que du côté de l'oligarchie. Ça m'a évité de me faire du souci pour une catégorie de plus. Mais voilà que, comme Blue Jasmine en son temps, ce film s'intéresse au sort peu enviable des épouses fortunées qui n'ont la main sur rien et subissent les revers financiers organisés par des hommes tandis qu'elles mettent un point d'honneur à justifier leur position dominante indue par une élégance qui prend des allures de tyrannie. Pauvres d'elles ! Toute l'ironie de leur situation est là : cette obligation de dépenser sans compter pour régner sur leur petit cénacle et leur impuissance typiquement féminine en territoire machiste (le Mexique, la politique, la finance, au choix...). Ces gravures de mode dont le moindre sac à main pourrait nourrir une famille modeste pendant des mois, au bas mot, luttent à leur façon contre l'invisibilisation des femmes. Et recréent par là même les inégalités spectaculaires qui minent la société humaine. Non seulement par rapport à leurs domestiques, qu'elles traitent avec une politesse qui n'est que de façade, mais également entre elles, en rivalisant de pusillanimité. Les grands, les petits, l'immense, le minuscule... c'est ainsi que filme la réalisatrice, avec énormément d'à propos, passant des décors fleuris dans lesquels évoluent ses personnages aux détails révélateurs - insectes, doigts, lèvres, bijoux - qui tous jouent un rôle prépondérant dans cette pantomime sociale d'une cruauté folle. Et elle réussit à nous intéresser vraiment aux enjeux de pouvoir subtils et dérisoires de ce milieu hermétiquement clos, qui rejette avec un mépris à peine voilé celles qui voudraient jouer dans la cour des grands en leur compagnie alors qu'elles sont d'extraction modeste, donc indigne. Bref, un film hautement politique, qui parvient à critiquer sans condamner complètement, et finit sur une jolie pirouette qui affirme avec force la fragilité des conditions humaines. Les acteurs n'y sont pas pour rien, autant du côté des maris dégoulinants de satisfaction puérile que de leurs femmes sans âge et presque sans âme. Les circonstances changent, le monde évolue, mais tout est toujours question d'intérêts bien compris...