Pedro Almodovar
Basiquement, c'est un film de Pedro Almodovar, l'intégralité de ses motifs visuels et narratifs sont là. L'amour entre ses héroïnes, platonique ou pas, l'hôpital qui symbolise le rapport a la vie et a la mort, l'artiste a la recherche de l'inspiration, le trouble dans l'identité, et ce rapport si particulier a la famille. A chaque fois, il prend ça, prend quelques acteurs charismatiques qu'il place dans des lieux décorés à la perfection, qu'il dirige brillamment, et il en ressort, a chaque fois, quelque chose de nouveau, de moderne, d'irrévérencieux. Le même film, en boucle, mais toujours très différent. Les plans sont ici merveilleux, les intérieurs incroyables ( j'ai déjà écrit ça 13 fois auparavant ) ça fourmille de vie, de passion pour l'art, un crossover entre Madrid et New York.
Humanisme·s Amoureux·ses
L'humain, ses relations, son burlesque, c'est comme d'habitude le sujet Almodovarien par excellence. Le modèle se décline une fois de +, le motif anti-clérical toujours savoureux, la dureté et la force de Swinton associée a la douceur solaire de Juliane Moore. De ce creuset naît une poésie, naturelle, elles se sont perdues de vues, elles se retrouvent, elles se soutiennent, elle s'aiment tout simplement, amicalement, amoureusement on s'en fout, elles sont là, l'une ressemble a une butch anorexique, l'autre a une superstar hollywoodienne en train de vieillir. Et on y croit a chaque instant. A NY puis a Woodstock on prend plaisir a les voir discuter, se raconter leurs vies, on y voit la force du support confronté à la maladie. Le beau et la bienveillance sont là. La subtilité, le doute, la fugacité des instants, tout ça finit sur la pellicule.
Vies et Conclusions
Enfin, Almodovar vieillit, et il le sait. Si tout ses films sont politiques, celui là l'est de façon très explicite, il montre le droit à mourir dans la dignité, avec ceux que l'on choisit. Il le fait merveilleusement, y intégrant toutes les questions éthiques posées par le sujet, et les traitant humainement, comme le caractère développé de ses personnages le laisse entendre. Il se permet de balayer la bigoterie de ceux qui s'y opposent religieusement, d'appeler a la vigilance d'un traitement capitaliste de la question, sans renier le droit de son héroîne. Il prend du recul sur son oeuvre, faisant regretter ses propres thèmes précédents a Swinton, tout en lui faisant apprécier le calme et la tranquilité. Il y traite ses angoisses, la perte de sens, de gout. Il y ajoute Damian, artifciel, brutal, qui brise presque le quatrième mur et vient exprimer le pessimisme de façon très camp.
Il ressort de tout ça une comédie dramatique toute en nuance, jonglant jusqu'au bout entre détermination, rires, vie et mort. La mise en scène crée de la tension, de la poésie, autour d'un sujet complexe. Il le traite progressivement, sans jamais trop en faire, ses actrices le portent a merveille. Quand bien même la thématique de ce film ne me touche pas parfaitement, il est absolument délicieux. Au lyrisme outrancier se substitue le calme lyrique. Une tranche de vie reposante, la paix avant la fin. L'amour, sous toutes ses formes, dans la poésie d'une vie a son crépuscule. C'est un 8/10, doublé de la mention coup de coeur.