Dans La chambre d'à côté, pendant un long moment, j'ai cru que je n'étais pas dans un film d'Almodovar mais plutôt dans un de ces Woody Allen, très bavard, presque insupportable.

Et puis, je ne reconnaissais pas "mon Pedro" qui m'enchante depuis 45 ans avec une filmographie, certes inégale, mais toujours somptueuse et très souvent joyeusement déroutante.

Faut dire que ces deux femmes ne se sont pas vues depuis bien longtemps. Elles ont donc beaucoup de choses à se raconter.

À l'occasion de la signature de son livre où elle évoque la mort, Ingrid (Julianne Moore, compassionnelle mais lucide), ex journaliste devenue autrice à succès, rencontre Martha (Tilda Swinton, très digne dans le désespoir), jadis reporter de guerre dans le même magazine. Martha qui se sait condamnée par un cancer fait une étrange proposition à Ingrid. L'accompagner dans ses derniers jours, dans une maison louée au milieu des bois. Elle précise qu'elle aura une pilule létale avec elle et choisira le moment de quitter ce monde. Un instant interdite, Ingrid accepte et les voilà toutes deux dans une demeure somptueuse, colorée, pleine de vie. S'installe alors entre elles une relation étrange faite de quotidien, de discussions nombreuses sur la littérature, le cinéma, la vie qui passe, les relations humaines mais aussi d'inquiétude permanente pour Ingrid, bien sûr.

Elles conviennent d'un code qui signifiera que c'en est fini, derrière la porte rouge de sa chambre... Une atmosphère pesante envahit le lieu, un peu à la Hitchcock où l'on commence à retrouver notre homme de la Mancha.

Elles évoquent leurs années 70/80 avec leurs lots d'excès, de libertés débridées, de frénésie, sexuelle, notamment, d'enthousiasmes politiques aussi, bref, de jeunesse.

La même jeunesse qu' Almodóvar ( 75 ans, hé oui) au temps foisonnant de la movida.

Un troisième larron apparaît, interprété par John Turturro qui aura été l'amant de l'une, puis de l'autre et qui donne dorénavant des conférences un peu désespérées sur l'état de la planète.

"J'ai toujours pensé que le sexe était le meilleur rempart à la peur de la mort", dit il en évoquant le passé.

On s'amusait bien à l' époque !

Martha, elle, confirme sa décision d'en finir. "Toutes mes sources de plaisir se tarissent " dit-elle tristement.

Elle a même prévu les conséquences juridiques de son acte. Ce qui donne l'occasion au réalisateur d'affirmer sa position sur la fin de vie volontaire.


Alors, ouf, oui Almodovar reste bien toujours Almodovar, éternel explorateur avisé des relations entre femmes, comme dans le magnifique Volver. Le film recèle d'autres surprises et mérite amplement le Lion d'Or de la Mostra de Venise.


Vive le cinémâââ et hasta pronto Pedro !

Vive-le-cinemaaa
7

Créée

le 18 janv. 2025

Critique lue 1 fois

Critique lue 1 fois

D'autres avis sur La Chambre d’à côté

La Chambre d’à côté
Yoshii
5

Qu’as-tu fait à la guerre Pédro ?

Amorcée depuis plusieurs années, l’évolution du cinéma de Pedro Almodovar vers une forme d’expression plus dramatique, revêt avec « La chambre d’à côté » un caractère beaucoup plus radical, en se...

le 8 janv. 2025

30 j'aime

2

La Chambre d’à côté
Sergent_Pepper
4

Sonate atone

Peu de surprise à la présentation du nouveau film de Pedro Almodovar, qui creuse le même sillon des portraits de femmes, des liens familiaux, de la maladie et de la mort. L’innovation est à chercher...

le 14 janv. 2025

25 j'aime

4

La Chambre d’à côté
CO98
8

L'euthanasie selon Pedro

Pedro Almodovar a toujours su mettre les femmes à l'honneur dans son cinéma et son dernier film ne déroge pas à la règle. Puis le plus habituel encore, c'est que c'est une nouvelle fois magnifique.La...

Par

le 24 oct. 2024

23 j'aime

3

Du même critique

La Chambre d’à côté
Vive-le-cinemaaa
7

L'amitié à la vie à la mort.

Dans La chambre d'à côté, pendant un long moment, j'ai cru que je n'étais pas dans un film d'Almodovar mais plutôt dans un de ces Woody Allen, très bavard, presque insupportable.Et puis, je ne...

le 18 janv. 2025

Everybody Loves Touda
Vive-le-cinemaaa
8

Sur le difficile chemin de l'émancipation

En attendant le nouvel Almodovar, je décide de traverser la Méditerranée pour me retrouver au Maroc avec Everybody loves Touda, de Nabil Ayouch. Je n'ai pas regretté mon voyage. On y découvre une...

le 8 janv. 2025

Killers of the Flower Moon
Vive-le-cinemaaa
9

Une histoire extraordinaire racontée par un jeune homme de 80 ans

L'histoire des hommes révèle parfois des surprises assez extraordinaires. À la fin du 19e siècle, les Indiens Osage sont chassés du Kansas au profit des colons blancs et relégués dans un coin aride...

le 29 déc. 2024