Le film La Chambre des officiers évite les écueils dans lesquels je craignais de le voir tomber. Bien que le sujet des « gueules cassées » soit délicat, il est traité ici avec sobriété et – me semble-t-il – réalisme. Aussi échappe-t-on à la monstrueuse parade des Freaks ou à une démonstration vulgaire d'effets spéciaux et/ou de techniques de maquillages. En lieu et place de quoi on assiste, grâce à des procédés plus ou moins efficaces, aux épreuves que doit traverser le personnage principal après avoir été blessé au visage au début de la guerre comme si on les vivait de l'intérieur, comme si on les ressentait plus qu'on les voyait. Et ce dès l'unique scène de « combat », aussi brève que soudaine, dans laquelle le spectateur et le personnage d'Adrien sont comme foudroyés par la chute d'un obus qu'ils n'ont littéralement pas vu venir, qu'un bruit encore inconnu n'a pas pu prévenir. Cet événement soudain met abruptement fin à la guerre pour le jeune lieutenant et marque un tournant dans sa vie et dans le film, à partir duquel son visage va disparaître de l'écran avant de réapparaître progressivement, au fur et à mesure que le chirurgien le reconstruit et qu'Adrien se le réapproprie. Il n'est pas utile de s'étendre davantage sur la suite des événements, au risque de gâter le plaisir de ceux qui n'auraient pas encore vu le film. Qu'ils sachent seulement que tout le sel du film repose sur ce paradoxe : il donne moins à voir qu'à ressentir, il oppose avec adresse le point de vue du héros avec ceux des autres grands défigurés, du personnel médical ou des civils.
Quelques maladresses viennent néanmoins entacher cette production globalement maîtrisée. À commencer par l'utilisation de filtres jaune et/ou vert, très prononcée dans l'introduction et la conclusion du film. S'agissait-il de mimer le style d'Un long dimanche de fiançailles ? Elle me paraît, en tout cas, malheureuse et « gratuite ». Elle est moins systématique dans la fameuse chambre des officiers – assurément la meilleure partie du film autant sur le plan esthétique que narratif. L'irruption de pensées dictées par le personnage-narrateur ensuite, qui m'a semblé davantage alourdir grossièrement et arbitrairement le propos en raison de leur irruption inattendue (le procédé n'est pas systématisé et n'apparaît qu'à de rares reprises, donnant l'impression d'être un « tour de passe-passe ») et de leur « naïveté » marquée (je me réfère notamment à la scène où Adrien décrit de manière presque tautologique, sous la forme de questions rhétoriques, les mutilations qu'il a subit). L'histoire d'amour avec Clémence enfin, se justifie par sa présence dans le roman, et permet d'évoquer la question de la possibilité d'un amour retrouvé, mais sa relégation aux marges de l'histoire la condamne à paraître toujours un peu artificielle et pataude.
En dépit de ces « défauts » mineurs, La Chambre des officiers se présente comme un film efficace et sobre, qui ne sacrifie pas trop de la vérité historique sans pour autant verser dans la reconstitution académique et ennuyeuse.