Pourquoi les chiens sont-ils toujours enterrés sous la pluie ?
La chasse ne s'arrêtera jamais quoi qu'il arrive, voilà ce que ce film nous montre avec une force magistrale. Présentant d'abord Lucas dans un univers bon enfant (que ce soit dans son travail ou en "buverie" avec ses amis). Le film tend vers non pas la question de la culpabilité (on sait d'emblée qu'il est "innocent") mais vers celle de l'acharnement: d'abord sur cette petite fille que l'on force quasiment à rendre en attouchements sexuels des propos qu'elle a prononcé comme ça sans savoir ce que ça signifiait vraiment et sous le coup d'un amour propre blessé.
Dès lors commence cette chasse, on accuse, d'autres enfants se manifestent et c'est la traque infernale qui débute: les coups, le rejet, les actes de barbarisme gratuit. Bien sur ce n'est pas nouveau, en groupe la connerie se propage rapidement (surtout qu'il est difficile de juger ces gens, comment ne pas croire un enfant, comment se positionner) La violence est distillée dans tout le film, par à coup et la tension se lit dans ces ;longs silences où apparaissent les magnifiques paysages du Danemark.
Dès lors, derrière la lenteur apparente qui se dégage de ces longs plans, larges et fluides, se cache une tension toujours palpable. Parce que le basculement de l'un à l'autre est simple: du traqué au traqueur, le film ne faiblit jamais et dresse le portrait juste d'un homme confronté au rejet.
Toutes les apparences sont trompeuses et le film nous dit une seule chose: la chasse ne s'arrêtera jamais, que soit dans la famille, Marcus fait sa première ouverture, ou dans le village, toujours dans le viseur, Lucas, brillamment interprété par Mads Mikkelsen, reste aux aguets: perdu, fini, traqué et scandaleusement innocent aussi (j'aime bien les gens qui se laissent emportés pendant la séance et fustigent contre tous ces gens alors qu'ils ne savent même pas comment ils auraient réagit dans ce contexte), plein d'amour dans cet univers viril dans lequel il évolue où l'on est soit le meilleur ami soit l'ennemi juré qu'il faut tenir à distance... Le film nous fait aussi réfléchir (un peu à la manière de "38 témoins" mais de manière plus subtile) sur notre réaction à nous, si nous n'avions pas la donnée de départ du spectateur, à savoir "Lucas est innocent", ça n'est jamais dit mais c'est montré. C'est donc pour moi capital que l'on sache cela depuis le début, la tension en est d'autant plus forte...
La scène de fin avec l'enfant (Klara obsédée par les "traits" sur le sol, signe d'un trouble ? ) est toute aussi pleine de tension que de rédemption. Parfaitement maîtrisé, le rythme est excellent dans tout le film, découpé en deux mois, une journée et une dernière qui se plonge dans l'avenir, il donne à voir l'évolution de cette chasse, son rythme partant de l'ouverture d'une chasse à une autre ouverture avec cette impression constante que la chasse ne s'est jamais vraiment refermée dans la manière de filmer Lucas seul, au plus, près, au milieu des enfants, assailli, toujours entouré, jamais tranquille même seul (avec son chien de chasse, toujours), la caméra lui colle aux basques pendant 2h ... Puissant.