La Chasse traite d'un sujet délicat, sous un angle encore plus délicat. Au même titre qu'un fou ne peut remettre en cause la qualification qu'on lui accorde, difficile de se défendre lorsqu'on est accusé de pédophilie, que celle-ci soit avérée ou non.
Tout en tension, et au rythme des saisons danoises, l'accusation prend des dimensions énormes, conformes à la procédure en cas de suspicion d'acte pédophile. Et c'est normal : une accusation de pédophilie doit absolument donner place à un licenciement, à un procès, voire un emprisonnement. Il faut privilégier le témoignage de l'enfant. Mais un témoignage est-il forcément une preuve ? (Non)
Évidemment, l'objectif est de susciter la compassion envers le personnage Mads Mikkelsen, qui livre d'ailleurs une interprétation notoire. Ça fonctionne : j'ai personnellement pleuré durant la moitié du film, tant il est tendu, et tant les réactions sont... A la fois réalistes et disproportionnées. La gêne du voisinage est palpable, personne ne sait quel est le bon comportement à adopter.
Ce qui est dur, et que l'on comprend dès le début de l'intrigue, c'est de telles accusations laisseront forcément une marque indélébile, les relations sociales seront ternies et le personnage principal sera toujours traqué pour ses prétendus méfaits, d'où le double-sens du titre du film.
La fin est formidable. Elle donne une illusion de happy-end, mais qui n'est pas trompeuse : on sait bien que c'est trop beau pour être vrai. L'ultime scène concrétise l'aspect indélébile du mensonge de la petite ; sans forcément donner de visage au tireur, elle permet de ne pas cibler un agresseur, mais une infinité d'agresseurs potentiels.
Tantôt avec douceur, tantôt dans une violence inouïe qui fait mal au cœur, La Chasse est extrêmement rythmé ; sous ses aspects de drame social, il est particulièrement haletant, et mélange à merveille le stress et les larmes.
On pourrait se méprendre : jamais le film n'accuse la surconfiance que l'on pourrait accorder aux enfants, ou même les réactions méfiantes voire agressives du voisinage. Il nous pousse juste à adopter le point de vue de l'innocent.
Au même titre que le classique 12 Hommes en Colère, La Chasse accorde sa juste place au doute raisonnable.