« Ton cerveau essaie d’oublier, mais tu sais, c’est vraiment arrivé. »

Oh là là ce film.
L’histoire a rarement aussi bien été exploitée au cinéma, et Vinterberg s’en tire avec une virtuosité exquise qui m’a laissée hagarde, le cœur battant à la chamade à la toute fin.
C’est l’histoire de Lucas, qui se reconstruit doucement après un divorce que l’on devine difficile. Le jardin d’enfants dans lequel il travaille semble lui conférer une certaine quiétude d’esprit, tout comme sa bande d’amis, la chasse et son fils à qui il tient tout particulièrement. Seulement la fillette de son meilleur ami vient obscurcir sa vie, puisqu’elle l’accuse d’abus sexuels, et c’est déjà ce qui choque dans le film, le fait que le mensonge vienne spontanément, après à peine vingt minutes d’écoulées. C’est bien connu, les enfants sont incapables de mensonge, et c’est la vie entière de Lucas qui s’écroule : sa descente aux enfers est radicale, elle emporte tout sur son passage, les habitants du village le prenant pour cible, faisant de lui un paria, un monstre.
J’ai crié pour moi-même, frémi, pleuré, bref j’ai « vécu » le film : d’autant plus qu’on ne manque absolument pas de nous dépeindre à quel point Lucas est un homme, un père et un ami honorable, et évidemment nous sommes les seuls à être conscients de son innocence. Au début, bon public et peu encline à m’émerveiller devant un enfant, je me suis mise à haïr Clara, la « responsable ». Puis le film a avancé, et je me suis rendue compte que ce film soulevait des mœurs bien plus désabusées qu’un simple mensonge qui tourne mal : tous sont responsables, jusqu’aux parents de la môme qui la poussent dans son mensonge, prétextant une « amnésie traumatique » quand elle avoue avoir menti. La chasse met à jour les engrenages infernaux que la société peut faire naître.
Ce film, c’est l’histoire de la débâcle d’un homme, trop conciliant pour se rebeller contre cet étau infernal, trop blessé pour pouvoir réagir de n’importe quelle manière.
J’ai découvert avec un immense plaisir Mads Mikkelsen dans la série « Hannibal », autant dire que c’est encore un peu récent, et sincèrement, je regrette de ne pas l’avoir décelé avant. Cet acteur, c’est un putain de trésor, son jeu est parfait et c’est ce qui nous fait véritablement vivre le film, parce qu’on y croit, on prend parti, on se pose des questions ; et c’est, selon moi, la recette parfaite d’un bon film. Lorsque j’ai enchaîné les épisodes d’Hannibal, je l’avais déjà posé sur un piédestal, parce qu’il interprète le psychopathe à la perfection, mais là.. Putain c’est juste dingue, mais parfois j’ai juste oublié qu’il ne s’agissait que d’un film, et ça faisait longtemps que je n’avais pas vécu un film, je veux dire, au point de ne pas quitter l’écran des yeux une seule fois, ne serait-ce que pour rouler ma cigarette.
Je l’ai trouvé tellement empreint d’injustice que je suis restée comme une attardée devant le générique de fin, en me faisant mille réflexions et en me disant que le pire c’est que c’est souvent comme ça que ça se passe : un homme bien est la cible d’un mensonge, d’une mauvaise blague on va dire, et c’est sa vie entière qui part en fumée. On comprend le déni, la trahison, la dérive, la perversion engendrée par le mensonge, et surtout, surtout, l’injustice.
« La Chasse » n’en fait pas trop, ne plonge pas dans le drame tête la première, vient la fin et on se demande « attends mais c’est pas fini quand même ? », tous les acteurs sont bourrés de talent, mais au risque de me répéter, ce film révèle un Mads Mikkelsen (qui a d’ailleurs eu le prix d’interprétation masculine à Cannes) à son apogée pour une histoire peut-être banale, sauf qu’à ce stade, l’exploiter ainsi, pour moi, c’est juste du talent.

TPPT
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le 26 mars 2014

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