Réalisé et écrit par Thomas Vinterberg, La Chasse est un drame éprouvant. Si vous recherchez un feel-good movie, passez votre chemin. Le réalisateur Danois n'est pas un rigolo, comme l'atteste sa filmographie (Festen et Drunk). La Chasse met donc en avant ce terrible drame qu'est la pédophilie, un acte répugnant et durement condamnable. Et quand la rumeur se propage, ce n'est pas facile de prendre du recul et c'est ça que veut démontrer le film de Thomas Vinterberg.
C'est donc l'histoire de Lucas (Mads Mikkelsen) un auxiliaire de jardin d'enfants et ex professeur des écoles, qui un jour va se retrouver accusé de pédophilie par la fille de son meilleur ami (Thomas Bo Larsen, également présent dans Festen et Drunk). On va alors suivre sa descente en enfer, victime d'une vindicte populaire pour un crime qu'il n’a pas commis. Il va donc devoir prouver son innocence envers et contre tous, y compris de ses meilleurs amis. Un quadragénaire divorcé et solitaire dans une petite communauté rurale, fait de lui le coupable idéal.
La Chasse est un film extrêmement prenant et dur sur le plan émotionnel. Et l'enjeu n'est pas de savoir si Lucas est coupable ou non d'attouchements sur la petite Klara. Non, le film est très clair là-dessus, Lucas est innocent. L'enjeu du film est donc ailleurs, c'est de démontrer l'implacable mécanique de la rumeur qui se propage dans un petit village où tout le monde se connait. Et quand il s'agit en plus de pédophilie, la pire rumeur qui soit, ça peut vous bousiller complètement une vie. Car c'est bien connu, les enfants ne mentent jamais. Mais Klara n'est pas responsable, elle ne pensait pas à mal, ce sont les adultes les responsables en prenant la parole de l’enfant pour pure de tous soupçons et comme vérité absolue. Le film nous fait réfléchir sur le genre humain et on pourrait se dire que ça pourrait arriver à n'importe qui. Ici, l'humanité n'est vraiment pas montrée sous son meilleur jour.
La grande réussite du film repose beaucoup sur l'écriture de Thomas Vinterberg et sur l'interprétation magistrale de Mads Mikkelsen. Les dialogues, écrits au cordeau, ne s'encombrent pas de fioritures, ne tournent pas en rond autour du pot et vont droit au fait. Quant à Mads Mikkelsen, il n'a pas vraiment pas volé son prix d'interprétation à Cannes. Lucas est terriblement vulnérable et on s'identifie d'autant plus facilement à lui. Or rien de tel qu’un personnage présentant une touche de vulnérabilité pour susciter de l’empathie. C'est parce qu'il s'efforce de ne jamais sombrer dans l'émotion facile et qu'il persévère tant bien que mal à maintenir une démarche mesurée, que Lucas (le personnage et l'interprétation Mads Mikkelsen) m'a profondément touché. Quant à la scène finale, elle donne sacrément à réfléchir ...
Même si Lucas est innocenté par la justice, il sera toujours coupable de pédophilie selon la société. On le comprend avec ce tireur "caché" qui tente de l'abattre dans la forêt. Ce tireur, ça peut être n'importe qui, mais personnellement j'ai une idée assez clair sur son identité. Pour moi, c'est le frère ainé de Klara qui le croit toujours coupable. Et l'ironie du sort, c'est que c'est à cause de lui que sa sœur a dit des "bêtises" sur Lucas. C'est lui qui a montré des photos pornographiques à Klara et qui a prononcé devant elle les mots qui accableront Lucas ("queue raide"). C'est donc lui qui est responsable de sa perte d'innocence.
Le film de Thomas Vinterberg ne peut pas laisser indifférent et lorsque le film s'est terminé, je suis resté un long moment dans un silence absolu. La question de la parole d’un enfant est un sujet très délicat. Tout peut s’écrouler sur quelques mots qui provoquent cette idée de chasse mentale. La Chasse est un film fort et dérangeant (comme Drunk) dont vous ne ressortirez pas indemnes.