J'ai commencé La Chasse sans rien connaître du film, j'avais juste vu le visage de Mikkelsen sur l'affiche et j'étais bien tenté de savoir ce que le gaillard avait fait en dehors des films de Refn que j'avais vus auparavant. Je suis un peu sonné après ce visionnage. Aussi fort qu'est la claque dans ma gueule que je me suis prise, j'espère que je serai suffisamment lucide lors de la rédaction de cette critique. Je vous déconseille vivement de lire ce billet, si vous n'avez pas vu le film. Tant ce film est d'une puissance, tant ce film est un coup de poing dans l'estomac si vous découvrez cette œuvre minute par minute.
Il rentra chez lui, honteux et indigné, étranglé par la colère, par la confusion, d'autant plus atterré qu'il était capable, avec sa finauderie de Normand, de faire ce dont on l'accusait, et même de s'en vanter comme d'un bon tour. Son innocence lui apparaissait confusément commeimpossible à prouver, sa malice étant connue. Et il se sentait frappé au coeur par l'injustice du soupçon. - Maupassant (La ficelle, 1883)
Accusé à tord de pédophilie, Lucas est peu à peu seul contre tous. Bien que l'Homme soit un animal plutôt calineux, tendre et délicat, c'est également un animal de meute. Lucas sera alors face à ces loups qui ne voit plus qu'à travers lui un pervers sexuel amateur d'enfants. Seuls quelques proches restent auprès de lui. Dans ce calvaire que va endurer Lucas, il sera confronté à l’hypocrisie, la lâcheté des autres. Les « on dit » , détruisent peu à peu l'homme qu'est Lucas, qui devient au fil de l'histoire un véritable martyr, souffre-douleur des assoiffés de sang qui pensent détenir la vérité et par conséquent, pense obtenir le droit de faire justice eux-même. Au même titre que Maître Hauchecorne, Lucas va souffrir de cette rumeurs qui pèsent sur lui sans pour autant céder au désespoir, il restera sur pied jusqu’au bout sans se défendre au multiples coup de fouets que l'on lui infligera.
C'est alors que la force du film se développe progressivement, en effet, nous, simple spectateur, nous connaissons la vérité, nous ne doutons pas de l'innocence de ce personnage, mais nous n'intervenons pas dans le récit.
Dans son film Vinterberg, met bien le doigt sur des défauts de nous les humains, que ce soit notre intolérance, nos préjugés ou encore l'incapacité à dialoguer. Ce film m'a même poussé à me demander comment je réagirai si je faisais parti de ces parents, à qui ont leur apprend que l'homme avec qui mes enfants passaient leurs journées serait un pédophile. Est-ce que j'aurais été fondamentalement meilleur ? C'est tout de même difficile d'accorder le bénéfice du doute quand on pense que le mal est à notre porte.
Après l'ellipse d'un an, nous sommes plongés dans une fête communautaire où tout le beau monde semble heureux, Lucas fait parti de la bande, ses anciens accusateurs se sont rangé de son côté, ils lui font des accolades, à priori la vérité a bien éclaté. Mais nous, nous sommes toujours suspicieux, il y a encore quelques minutes nous les haïssons ces personnes, ces accusateurs. Nous ne les connaissons pas, nous avons bien vu tout au long du film que l’hypocrisie régnait, et si toute cette fête n'était qu'un vaste carnaval masqué ?
Ce ne sera pas un Happy-end, on sait très bien ce qu'il adviendra par la suite, rien ne s'oublie, rien ne se pardonne. Jusqu'au bout on sait qu'il y aura des accusateurs, et Lucas n'oubliera sûrement jamais ce qu'il a enduré par ces voisins et « amis ».
Misant sur la sobriété, et la simplicité, Vinterberg nous propose un film d'une violence morale rare, et d'une extraordinaire vérité.