les enfants, ces douces saloperies
Mince alors ! Si on m'avait dit que j'aurai droit à un remake Danois qui croiserait "la passion du Christ" de ce fou de Mel Gibson et de "funny games" de ce psychopathe de Haneke, je me serais rassuré par un "c'est pas grave ; la victime c'est Mikkelsen et donc par définition, c'est pas une victime. Il va taper dans les tronches qui faudra, manger les enfants pas sages, et tout sera réglé avant même que j'aie abouti cette réflexion". C'était sans compter le diabolisme de cette anté-Christ de Klara et de la coquille vide que semble être Lucas.
Résumons les faits : Lucas est un pur solitaire comme on en fait plus des comme ça depuis Leone. Il travaille comme éducateur et devait sûrement pas beaucoup suivre en cours puisqu'il se retrouve à travailler avec des enfants de 5 ans pas plus ; c'est aussi le seul mec du job : vous le sentez le côté esseulé ? On apprend aussi que Lucas est un divorcé dont le fils ne veut vivre qu'avec le père etc etc. Les brèves scènes téléphoniques avec son ex-femme nous font nous demander comment un divorce a pu avoir lieu : Lucas est tellement conciliant ; un vrai sucre d'orge !
Malheureusement pour lui, Klara, diabolique enfant de Satan va se mettre sur son chemin. Après avoir subit les remontrances de Lucas pour lui avoir avoué son amour d'enfant de 5 ans, Klara va se venger en abusant de son statut immérité d'enfant. La love-story (impossible puisqu'en plus de quelques 40 ans d'écart, une solide amitié vient ombrager le tableau idyllique de la petite tête blondinette) tourne court puisque dans son insouciance qu'à demi-présumée, Klara fera passer notre pauvre Lucas pour un pédophile.
Tout aurait pu s'arrêter là si Lucas s'était montré un peu plus combatif ; à chercher un peu plus à présenter SA version des faits. Malheureusement, c'est sans compter cette machine de guerre psychologique qu'est Klara ! Rapidement, elle endoctrinera les personnes-clés pour nuire à Lucas ; dès lors, elle n'aura plus besoin de rien ; les choses se feront d'elles-mêmes.
Le film peut alors se voir comme une série d'épisode de Martine ou Tchoupi mais avec Lucas : Lucas et ses collègues, Lucas avec sa copine, Lucas fait des courses, Le chien de Lucas, le fils de Lucas, etc. Une bonne heure du film consiste à nous montrer avec un sadisme mêlé à un désir poussif à nous inculquer l'idéologie de l'auteur au travers des malheurs de Lucas.
Et c'est pas cool parce que moi, les pédophiles, j'aime pas ça donc je peux parfois comprendre la réaction des gens. Mais en même temps, la justice, j'aime bien ça. Donc je me suis énervé du début à la fin contre ces situations. Et c'est peut-être là qu'est le problème : toutes ces scènes ne servent pas à nous mettre dans une ambiance ou à poser un ton. Elles sont simplement l'élément central. Regardez comme Lucas souffre. Admirez comme c'est dur pour cet homme de vivre ces accusations. Oui je vois, mais donne-moi autre chose, film ! Si tu te contentes de me frustrer, alors j'aurai pu très bien recvoir hard candy pour cela.
Le film est là : c'est la quatrième roue avec hard candy, funny games et la passion du Christ à composer la voiture qui s'élance joyeusement dans le mur sans jamais trouver le volant qui peut les diriger. La formule pour ce type de roues est simple : on prend un sujet sensible pour taper un maximum sur notre émotivité (dans l'ordre, c'est la pédophilie, la violence, la souffrance et, ici, l'innocence). Ensuite, on se concentre à nous appuyer sur notre petite ouverture quitte à nous écarteler les sentiments à grands renforts de forceps pour vomir dedans notre vision du monde. C'est dommage parce qu'on évite ainsi beaucoup de questions qui étaient justement les éléments intéressants !
Je m'excuse films mais je ne vous aime pas pour cela ! Certes vous m'avez tous fait ressentir les sentiments que vous vouliez. J'ai été dégoûté par ce vilain pédophile dans hard candy. J'ai souffert devant petit jésus bien haut sur sa croix. J'ai éprouvé de la haine envers la situation de cette pauvre famille prise en otage. Ici enfin, j'ai ressenti le profond sentiment d'injustice. Sauf que film, tu t'arrêtes là. Je ne me pose aucune question à la fin si ce n'est "tien ; quelles sont les symboliques à travers la chasse ?" Non, film ! Ce n'est pas ce que tu voulais ni ce que je voulais !
Pourquoi ne sait-on pas comment Lucas parvient à stabiliser sa vie ? Pourquoi ne nous offres-tu pas le point de vue de son ex-femme, qui a quand même conçu un enfant avec lui et qui serait très à même d'exposer son avis, plus que les redondants habitants du village ? Pourquoi ne voit-on pas plus le tiraillement de son meilleur ami ? On le voit et même très bien certes, mais on a aucune scène de discussion avec sa femme par exemple, ou de son fils (qui a l'air d'un vrai cinglé d'ailleurs). Pourquoi remballes-tu les personnages qui doutent ? La copine du héros qui dit hésiter entre son innocence ou sa culpabilité est au sens figuré comme au sens propre expédiée, comme si le fait de se poser des questions était nocif à ton récit.
C'est dommage film car tu as plein d'éléments que j'aime ! D'abords, tout ce que tu entreprends, tu l'entreprends bien. Tes acteurs sont tous très bons, et j'ai aimé me familiarisé avec ce petit village avec quelques têtes récurrentes (notamment le gros ours blond, symbole de frustration puisque nous ne pouvons qu'être impuissants devant une telle masse). Les sentiments que tu fais partager, Je m'en suis pris plein al gueule ! Et je t'aurais volontiers mis un 8 si ton schéma narratif pouvait s'extraire un peu des baffes quotidiennes de ton héros, et surtout, si ton dénouement final n'esquivait pas TOUTES les questions qu'on pouvait se poser !
Au final, tu m'as laissé l'impression de vouloir me bourrer le crâne d'injustice en me présentant une morale du type "LES GENS NE FONT PAS PREUVE DE RECUL ! ILS DEVIENNENT MAUVAIS A CAUSE DE CA !" Et je partage volontiers ton idée, film, si toi-même ne manquait pas de recul ! Car c'est le grand paradoxe de ton existence, film ! Alors que des personnages font souffrir le héros car ils pensent qu'ils détiennent la vérité juste et propre, toi, tu te permets de nous faire souffrir car tu penses qu'ainsi on comprendra. C'est dommage mais tu ne vaux pas mieux que tes personnages. Et c'est d'autant plus dommage car nous avions tout pour nous aimer toi et moi, et finalement, ça se conclue, comme Lucas et sa femme, sur un divorce que je peine à accepter.
Et vous, sales mômes, si vous aviez un instant conscience du potentiel de diabolisme dont vous êtes emprunt, vous condamneriez toute l'espèce humaine en moins de 24 heures bande de saloperies !