On est au pays de nulle part, pas loin du fleuve Niger, au delà des derniers villages, où il y a plus de routes, que la brousse, plus loin que loin, près de la montagne de la lune, la montagne du cristal, et d'autres noms oubliés, là où autrefois, les anciens dessinaient sur les rochers 'un Lascaux' à ciel ouvert.
Les chasseurs Gow de Yakatala sont convoqués pour traquer le lion devenu tueur, le dénommé 'américain' (ironie de l'histoire), celui que les éleveurs (les peuls) redoutent lorsqu'il devient méchant et s'attaque à leurs vaches préférées.
Tout est codifié, ritualisé, négocié.
Le respect de l'animal est entier.
Les flèches sont minutieusement fabriquées, le poison (Boto) est recueilli sur les arbustes (le naghi), concocté, chauffé et réduit en marmite, les pièges .sont enfouis sous terre mais souvent reniflés par les bêtes.
Tout est appréhendé au sein d'une pensée magique.
On fait en sorte après la mort de l'animal (civette, hyène, lion), que son âme puisse s'échapper, puis on lui demande pardon.
Jean Rouch donne à ce récit sorti en 1967, un tonalité de conte qu'il offre aux enfants Songhay, à l'égal des mythes racontés autour du feu par les ancêtres après chaque mise à mort.
Le film fut long à tourner, plusieurs années, en temps réel de la traque du lion, avec ses atermoiements, ses échecs. La chasse est vite gâtée par le désengagement d'un de ses membres, le collectif compte plus que tout.
Un peul fut touché, et le film interrompu et flouté, traduisant le respect du cinéaste en prise direct.
Deux lionnes seront tuées selon la pure tradition (et leur chair mangée, ce sera bon pour les rhumatismes), un jeune lion sera également chassé (mais en prenant soin de l'amadouer et de l'apaiser ), un lionceau en colère, ça porte le malheur à un enfant dans l'année...
L'américain' s'en sortira indemne (décidément!)...
L'on comprends combien la cruauté est loin de ces pratiques de caste héréditaire.
Ce film ancien mais à l'actualité brûlante, fait écho à nos pratiques de mise à mort animale industrielle, fait oeuvre de mémoire pour l'Afrique et d'empathie universelle.