Mordre la balle

Richard Brooks a tourné ce western en 1975 à une époque où le genre n'était plus à la mode à Hollywood et pratiquement abandonné par les studios, le western italien ayant contribué à sa disparition. Aussi, il fallait un sujet très original pour inciter la Columbia à se lancer dans cette production qui relate l'une des nombreuses courses d'endurance qui eurent lieu entre 1880 et 1910 ; c'est une histoire imaginaire mais fondée sur des événements réels.
Au fil des 1000 kilomètres de cette course à cheval à travers le Far West, Brooks se débarrasse des éléments traditionnels du western, pas d'attaques indiennes, pas de fort militaire, pas de luttes de fermiers, pas de gunfights entre bandits... que des gars avec leurs chevaux qui cavalent sur une route semée d'obstacles divers. Ce postulat permet non seulement au réalisateur de montrer ce qu'était l'Ouest sauvage, mais surtout de dresser une ode au courage, à l'amitié, au dépassement de soi-même, à l'amour de la terre et à l'amour des chevaux. D'où la fameuse expression du titre original, "Bite the bullet" qui littéralement signifie "Mordre la balle", mais bien qu'incompréhensible pour un Européen, elle désigne l'aptitude de l'homme et sa capacité d'endurance à réussir une action ou une entreprise de niveau physique.
Cette course extrême au milieu des pires dangers et des paysages arides et sauvages sert aussi à Brooks pour tester ses héros curieusement anachroniques, de les opposer les uns aux autres, ou de les rapprocher, car ce sont des hommes du XIXème siècle égarés dans ce début de 20ème siècle livré au machinisme. Ainsi, le film échappe à tous les poncifs du western, c'est une oeuvre lyrique et passionnée, même si ce n'est pas un de mes westerns préférés.