En 1972, pendant la révolution culturelle, Zhou Enlai , premier ministre, partisan d'une politique d'ouverture, invite Antonioni a réaliser un documentaire sur la nouvelle Chine. Bien accueilli au début par le gouvernement chinois, le film fut ensuite dénoncé comme « anti chinois » et comme une « insolente provocation contre le peuple chinois », suite aux manœuvres de l'épouse de Mao qui tentait de discréditer le premier ministre. Il faudra attendre 2004 pour qu'il soit diffusé à Pékin pour la première fois. Le film fut donc violemment critiqué en Europe par les maoïstes mais aussi attaqué de « l'autre côté » par ceux qui reprochèrent à Antonioni d'être passé complètement à côté des « horreurs » de la dictature chinoise. En voyant le film aujourd'hui on comprend finalement ces deux critiques opposés. Antonioni ne filme pas la Chine révolutionnaire, mais des scènes de la vie quotidienne totalement ordinaires et il ne s'agit nullement d'un film de propagande à la gloire du régime maoïste. En même temps, les excès de la révolution culturelle sont, en effet, absents. Antonioni s'intéresse aux hommes et aux femmes d'un pays et comme il le dit lui-même il n'entend pas « expliquer » mais seulement « montrer ». Bien que le film soit filmé en 16 mm et que la copie soit passablement détériorée beaucoup d'images sont splendides grâce, évidemment, au grand chef opérateur Luciano Tovoli (c'est notamment lui qui a réalisé la sublime photo du chef-d'œuvre de Dario Argento, Suspiria), notamment les très beaux plans de foule filmés caméra à l'épaule dans les rues de Shanghai et les enchevêtrements de bateaux dans le port.