La prison est le sixième film réalisé par Bergman, alors quasiment inconnu, mais on peut considérer qu’il s’agit du premier « vrai » Bergman, puisque les cinq films précédents étaient des films de commande destinés à un large public. Bergman déclarait dans une interview que « l’enfer est créé par les hommes, sur terre ! » et l’on peut dire que c’est ici le thème central du film. Mais il y a aussi un deuxième thème qui parcourt le film, celui du regret de l’enfance, enfance conçue comme une époque heureuse qui ne reviendra plus. Ce thème apparaît à plusieurs reprises dans le film, notamment sous la forme symbolique de l’infanticide. On le retrouve aussi dans l’extraordinaire séquence, plastiquement superbe, du rêve de Birgitta-Carolina, dans lequel Thomas se plaint, comme un gosse, que l’on ait écrasé son cheval à bascule et surtout, dans une des rares scènes heureuses du film, celle ou Birgitta-Carolina et Thomas visionnent un vieux film muet (en réalité un film tourné par Bergman lui-même) qui évoque à la fois Chaplin et Méliès. Quoi que l’on pense de Bergman, et je comprends très bien qu’on puisse ne pas aimer ses films, il faudrait vraiment être aveugle pour ne pas voir les qualités formelles de ce film : outre la superbe séquence du rêve déjà mentionnée, digne d’un grand film fantastique, il faut ajouter la beauté des mouvements de caméra et des cadrages, la splendide photo noir et blanc, et enfin le générique qui, d’une part est parlé (comme dans le cas célèbre du Mépris de Godard, mais c’est 14 ans plus tard !) et, d’autre part, qui survient alors que le film a commencé depuis environ 10mn, ces deux points étant extrêmement novateurs pour l’époque. Bref, un petit chef d’œuvre !