Premier film de Bergman entièrement scénarisé par lui-même (n’étant donc ni une adaptation, ni basé sur le script d’un autre scénariste), il ne faut pas sous-estimer le rôle qu’a tenu La Prison dans la carrière du réalisateur suédois : prise de risque évidente dans laquelle le cinéaste fondait peu d’espoirs, de même que ses producteurs, le tournage fut rapide et peu coûteux. Mais il ouvrit pourtant la porte à une toute nouvelle ère dans la filmographie de l’artiste.
Plus que jamais chez Bergman, jusque dans la structure narrative, on se croirait vraiment au théâtre – l’utilisation d’une voix off omnisciente, la division du récit en trois actes, cadre cloîtré du décor… Il n’y a bien que la règle des trois unités qui n’est pas respectée, au détour d’un saut dans le temps en début de film. Verbeux, même s’il s’essaie à quelques plans silencieux riches de sens – la scène de la cave est superbement mise en scène – La Prison apparaît bien souvent comme assommant. La symbolique un peu forcée et complexifiée à outrance – l’idée de la morale créatrice est d’ailleurs clairement superflue – mais aussi l’abondance de personnages inondant la marge d’un récit déjà orchestré de façon médiocre dans sa construction, ne font qu’handicaper la démarche de Bergman.
Là où les personnages subliment bien souvent l’imagerie bergmanienne, ils semblent ici distants et mal dessinés. Même si le metteur en scène tente difficilement de leur donner un quelconque souffle, il n’y a bien que Birgitta qui présente une évolution et des écorchures un minimum stimulantes. Et ce n’est pas le casting très inégal qui viendra transcender ces figures étonnement fades.
La mouvance d’une caméra intelligente dans l’espace et la beauté d’un éclairage qui sublime littéralement de nombreuses scènes rappellent qu’un monument du nom d’Ingmar Bergman se tient derrière la caméra. Malheureusement, au-delà de cette apparence trompeuse, il est difficile d’être hypnotisé par ce naturel d’opérette et cette analyse quasiment digressive de l’enfer de la vie.
La Prison est une proposition de cinéma intéressante, d’une brutalité étouffée qui parvient indéniablement à subtilement toucher le spectateur. Mais le manque de rigueur narrative et le désintérêt progressif pour ces personnages que l’on ne découvre qu’en surface sont une barrière certaine à la réussite de ce qui restera classé, avec le recul, comme un Bergman très mineur.